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Billet de blog 16 mars 2022

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Entretien avec Ico Costa, réalisateur de Domy+Ailucha: Ket Stuff!

Quand le réalisateur Ico Costa est dans l'incapacité de se rendre au Mozambique pour son tournage, il décide de confier une caméra à deux jeunes gens sur place. Dans Domy+Ailucha: Ket Stuff!, ils partagent alors avec le spectateur leur vision du quotidien.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans quel contexte a pu émerger ce film ? 
J'avais un court métrage à faire, une coproduction entre le Portugal et la France, au Mozambique. Je devais partir fin mars 2020, c'était au moment où le Covid a commencé. Je ne pouvais pas voyager et j'étais un peu frustré par cette situation. Quand j'étais au Mozambique en 2019, j'avais laissé une petite caméra à Domingos, je savais déjà que je voulais tourner avec lui et Ailucha. On a commencé un peu sans savoir que ça pourrait être un film. Ils ont commencé à filmer, ils m'ont envoyé des images.

Comment réalise-t-on un film à distance ?
J'avais un ami là-bas, qui était plutôt mon contact, car il avait un ordinateur et internet. Je parlais aussi avec Domingos et Ailucha, mais pas tout le temps. Ils m'envoyaient des trucs et on en parlait. À certains moments, ils sortaient de chez eux et filmaient ce qu'ils voulaient, et ça c'était peut-être plus génial que ce que moi je leur demandais ! 
C'est ce qui est intéressant aussi avec ce film, qui soulève la question de ce qu'on choisit ou pas de filmer. Ici, ils nous donnent à voir des aspects de leur quotidien.
Lorsqu'ils avaient la caméra, c'est vrai qu'ils filmaient un peu tout. J'avais vraiment beaucoup d'images. Certains jours ils filmaient le quotidien avec leur famille, pendant qu'ils mangeaient, avec des amis. C'était un mélange de choses auxquelles je n'avais pas forcément pensé. Pour eux c'était grand d'avoir la caméra. C'était une petite caméra, mais c'était un objet un peu nouveau. 

Et comment s'est passé le processus pour eux, qui n'étaient donc pas habitués à opérer une caméra ?
En fait, il y a eu deux caméras, parce que celle que j'avais a eu un accident, donc on a pris la caméra d'un ami. Ce n'était pas du tout une caméra professionnelle. Il n'y avait pas de son, c'était tout un travail là-dessus. Au début c'était difficile d'imaginer que ça pouvait être un film, avec ces mauvaises qualités techniques : à certains moments, il n'y a pas de son car le micro n'était pas bien connecté et sur l'autre caméra il n'y avait carrément pas de micro. Je filme beaucoup en 16mm, j'ai un goût pour l'image. Alors pour moi c'était fou de faire un film comme ça, dans des conditions pareilles. En même temps, le sujet filmé était incroyable et j'ai décidé de mettre la partie technique de côté. Après ce tournage, je commence à penser que ce n'est pas le plus important dans un film, ça a changé ma relation avec tout ça. 
Le film pose aussi la problématique de la relation entre la personne qui filme et les personnes qui sont filmées. J'imagine que le film aurait été très différent si vous aviez été derrière la caméra. 
Oui, bien-sûr. Dans les autres films que j'ai fait là-bas, j'ai fait un peu comme eux dans le film, j'étais avec eux, je sortais avec eux, j'allais voir des lieux pour des repérages et j'ai toujours travaillé avec des comédiens non professionnels. Et puis après, quand il y a la caméra, avec l'équipe, le chef opérateur, tout ça, certaines choses ne sont pas aussi naturelles. Alors c'était incroyable pour moi quand j'ai vu les images parce que j'ai senti qu'ils étaient plus libres que quand ils étaient avec moi et ça c'est génial. En même temps, il y a toujours cette notion qu'ils sont filmés. Parfois, avec Domingos, il y avait ces moments où il passait la caméra aux autres parce que lui aussi voulait être filmé, il y a comme un échange. La caméra est très présente et en même temps, ils sont très libres. C'est très différent de mes autres films. Dans ce film-là, ils communiquent directement avec la caméra. 

Vous avez aussi travaillé avec un monteur, Raul Domingues, comment s'est passée cette collaboration ? 
C'était génial. C'est vraiment un film fait entre nous quatre : Domingos et Ailucha qui ont filmé, Raul qui a monté et moi qui ai un peu orchestré tout ça. Je ne savais pas ce que je pouvais faire avec ces images, tout le processus créatif du montage s'est fait entre nous deux. Après les premières semaines, il a fait un petit assemblage que j'ai beaucoup aimé. Raul a été très important dans la recherche de la structure. Au début, je n'avais demandé qu'à Domingos de filmer, alors on avait un premier bloc d'images. Après ça, on a demandé à Ailucha aussi de faire des images. On avait donc deux blocs, qu'on a d'abord pensé mélanger, puis on a décidé de les séparer. C'était une manière pour nous de montrer le point de vue d'un garçon, puis celui d'une fille. 

Et vos deux protagonistes ont-ils pu voir le film ? 
Oui, je suis allé au Mozambique l'année dernière et ils ont vu le film, eux et les autres personnes qui y apparaissent. On a fait une petite projection dans la maison d'un ami, c'était incroyable. Parce qu'en même temps, je ne sais pas s'ils avaient vraiment idée que c'était un film, ce qu'ils faisaient, la plupart de ces gens. Ils étaient très contents. 

Propos recueillis par Andréa Lepore

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