De JJA (2012) à J.A en passant par Changement de décor (2015), celui que l’on connut d’abord sous le nom de Jean-Jacques Aumont a perdu une initiale, mais retrouve son patronyme de naissance. C’est que le nonagénaire, bien que toujours aussi vif, songe désormais à celui qui figurera sur sa dernière demeure. Les trois passeports acquis successivement – le français, l’israélien, le suisse – et les changements de nom apparaissent comme les indices de l’histoire d’une vie que Gaëlle Boucand cherche à retracer. Le lien de parenté entre filmeuse et filmé, imperceptible dans les deux premiers opus, est cette fois intrinsèque au récit : dans ce film en construction permanente, la façon dont Jacob accueille et refuse successivement le projet de sa petite-fille en raconte autant sur son histoire que ce qu’il accepte d’en dire. Ainsi, il ne tient pas à revenir sur une période qu’il évoquait dans JJA : celle de la seconde guerre mondiale, pendant laquelle il était adolescent. C’est donc par une voie détournée, et très pudique, que les moments les plus difficiles sont retracés : dans l’espace nu d’une salle de casting, qui contraste avec l’attirail technologique de la riche demeure de Jacob, cet épisode se dessine à travers les instructions données aux jeunes hommes se présentant à un casting pour incarner son personnage. La réalisatrice ne semble pas chercher en eux une quelconque ressemblance physique avec son grand-père, mais plutôt tout ce que les ans et la volonté de s’en sortir ont gommé : une indécision, une vulnérabilité, une naïveté.
Olivia Cooper-Hadjian
Critique et membre du comité de sélection de Cinéma du réel
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