
Agrandissement : Illustration 1

La première vidéo qui compose le film a été tournée en octobre 2019. C’est un plan de Nathan, son fils, allongé sur un lit d’hôpital.
« La première fois que je suis rentré dans sa chambre, c’était un peu une vision d’horreur, c’est-à-dire que Nathan était complètement claqué sur son lit. J’ai sorti mon téléphone pour le photographier, puis je me suis dit que non, photographier ça n’allait pas. J’ai vu l’option vidéo, et j’ai filmé l’absence de mouvement. Et puis j’ai continué à filmer des petits bouts de pas grand-chose, une flaque d’eau, ce genre de choses ». Une amie pianiste, Sophie Agnel, remarque la beauté de ces séquences. Dès lors, il lui envoie ce qu’il enregistre. L’hospitalisation dure quatre mois, où le téléphone capture l’absence de mots, les murs de la cafétéria, le temps qui semble s’être figé dans le jardin. « Je lui avais promis d’aller le voir tous les jours. Ce que je n’avais pas prévu, c’est qu’il serait peu accessible à la conversation la plupart du temps, du fait de la sédation assez lourde qu’il recevait, puis du fait de son hostilité vis-à-vis de l’hospitalisation ».
« Et quand Nathan est sorti de l’hôpital, j’avais neuf heures de rushs ».
On lui dit alors qu’il peut faire un « vrai film » de ces images. Il faut trouver une suite aux séquences dans l’hôpital. Montrer ce qui en a réchappé.
« J’ai imaginé qu’on allait vivre dans les Cévennes. En l’écrivant, en le filmant, c’est ce qui a fini par se produire ».
Et le film s’embarque dans l’espace ouvert des montagnes, dans une vie où les deux protagonistes trouvent un peu mieux leur place, où les parties d’échecs, l’équeutage des haricots verts rendent l’échange possible.
« Les choses passent assez peu par la parole avec Nathan. L’essentiel est un peu ailleurs. Et puis c’est très compliqué de filmer Nathan. Parce qu’on voudrait capturer des choses curieuses, et parfois, le temps de mettre la caméra sur le pied et de la lancer, il est trop tard. Et puis on filme trois, quatre, cinq minutes où il ne se passe rigoureusement rien, de dépit on arrête, et juste à ce moment-là il fait un truc extraordinaire. C’est à l’image du film. C’est une temporalité, un rythme, une narration décalée. Je pense que ça raconte quelque chose. Mais ce n’est pas trépidant, les scènes d'action sont un peu molles. »
Si parfois la caméra enregistre l’absence de mouvement, le son est toujours omniprésent : « J’ai enregistré des sons d’avion, de messagerie, de téléphone, tout ce qui faisait partie de notre quotidien, ceux de ma cafetière, de la rivière, de la mer. Dans le film, les sons sont exogènes, et très présents, très proches. Parfois seize pistes se superposent. Nathan est hyperacousique, il entend très fort, tout le temps, sans hiérarchie ».
Il faut alors accepter de se plonger dans le même lac que Nathan, de nager avec lui, même quand l’eau est terriblement froide, en attendant comme un événement qu’il prenne la parole, sans y chercher trop d’éclaircissements.
Et le réalisateur le résume ainsi : « Je suis persuadé que l’on peut regarder ce film et se laisser suggérer les choses ».
Célia Lorthioir
Film projeté le Dimanche 26 Mars à 19h au Centre Pompidou (C1) et le Vendredi 31 mars à 16h15 au Forum des images