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Pouvez-vous nous expliquer le titre du film ? Que représente pour vous l'idée d'archipel ?
Malena Szlam : J’ai commencé à réfléchir à de nouvelles façons de repenser les liens entre les territoires et l’histoire, en explorant des approches alternatives pour cartographier le temps volcanique. « Archipelago » incarne l'idée de réunir, qu’il s'agisse d'un corps unique ou d’un réseau d’histoires interconnectées. Il évoque une connexion profonde qui traverse les âges, rappelant le Gondwana (1) et les liens anciens entre l’Amérique du Sud et l’Australie, d’un point de vue géographique et culturel. Quant à « Bones », il fait allusion au magma insulaire, progressivement érodé et exposé au fil du temps, pour donner naissance à la chaîne de montagnes au cœur du film. Cela reprend l’image des os de la Terre, marqués par les forces naturelles, traçant un chemin à travers les montagnes du centre-est de l'Australie, jusqu'aux Bunya, où vivent les pins de Bunya, des espèces vivantes de l'époque ancienne.
Par son esthétique et son montage, le court-métrage suggère une atemporalité ou une vision cyclique du temps. Comment interroge-t-il notre relation au temps ?
Le montage constitue une autre manière d’explorer cette capacité à élargir notre perception. Lors du tournage, je crée des rythmes de couleurs, de formes et d’atmosphères. J'assemble des images et des séquences provenant de moments et espaces différents pour établir un lien géographique et culturel. Ce processus reflète également l’évolution du voyage intérieur, la recherche d’une compréhension plus profonde de la nature qui nous invite à éprouver diverses sensations physiques et émotionnelles et à explorer notre lien culturel.
Pour le son du film, vous avez travaillé avec l’artiste sonore australien Lawrence English. Lawrence, pouvez-vous nous expliquer le processus de création et d’enregistrements ?
Lawrence English : Les enregistrements utilisés dans Archipelago proviennent des lieux où les matériaux du film ont été collectés. Il s'agit de matériaux sonores au-delà de notre champ auditif, comprenant des événements à très basse fréquence dans l'ionosphère, des enregistrements géophoniques et des sons produits par des chiroptères et des insectes, au-delà de notre capacité à les apprécier. La dimension immersive et la temporalité du son dans le film nous invite à être pleinement présent.e.s, tout comme l’image. Ces matériaux sonores parlent de l'ouverture du lieu, de la reconnaissance de nos limites, de la subjectivité de l'être et de la création de sens, notre façon d'être au monde. Les technologies agissent comme des outils traduisant des matériaux extrasensoriels.
La façon dont vous capturez la nature à travers un rythme non linéaire rappelle le travail de Jonas Mekas et Stan Brakhage. Quelles ont été vos influences créatives pour Archipelago ?
J'explore le cinéma de manière intuitive, en utilisant des approches non linéaires pour étudier la perception, comme dans certaines œuvres avant-gardistes. J'ai rencontré diverses synergies : les conversations avec des géoscientifiques tels que Joali Paredes et Andrew Rozefelds, et avec Lawrence English, m'ont guidée. Le travail de terrain réalisé avec John Edmond a été fondamental. L'art aborigène australien, notamment les œuvres de Megan Cope, Jonathan Jones et Richard Bell, a enrichi ma compréhension de la terre et des histoires. Les peintures de William Robinson et Sidney Nolan illustrent ma vision du temps, de la nature et du paysage. The Second Journey (To Uluru) d'Arthur et Corinne Cantrill reste un chef-d'œuvre.
(1) Supercontinent, père de la plupart des continents actuels, s'est constitué à la fin du Cambrien, voici 500 millions d'années.
Propos recueillis par Sophie Coombs et Milla de Bueil
Le film sera projeté :
mardi 25 mars à 18h30 au Saint André des Arts 3
vendredi 28 mars à 16h30 à l'Arlequin 1