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Billet de blog 24 mars 2025

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Entretien avec Ivan Marković, réalisateur de Inventory

Avec Inventory, Ivan Marković explore la transformation du Sava Centar de Belgrade, un bâtiment brutaliste emblématique de la vision socialiste yougoslave.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Ivan Marković/ Big Time

Qu’est-ce qui vous a motivé à documenter la transformation du Sava Centar ?

Ivan Marković : Mon premier long métrage documentaire, Centar, a été tourné en 2017, alors que le Sava Centar était encore en grande partie dans son état d'origine. Construit à la fin des années 1970, le Sava Centar symbolisait une Yougoslavie internationale et non-alignée, accueillant à la fois des conférences diplomatiques et des événements culturels. Après l'effondrement de la Yougoslavie, il est devenu obsolète et, dans les années 1990, la Serbie a connu un déclin économique radical et une fermeture au monde extérieur. Le bâtiment, autrefois un centre de dialogue international, a été laissé à l’abandon.

Lorsque j'ai appris sa privatisation et sa future reconstruction, j'ai ressenti l'urgence de capturer cette transition. L'idée était de documenter cet espace avant qu'il ne soit complètement transformé, de conserver une trace de ce qui restait de sa vision originale. Le bâtiment existait dans un état intermédiaire, coincé entre ses aspirations passées et un avenir incertain.

Le film alterne entre des photographies d’archives en noir et blanc et des images contemporaines en couleur. Quelle était votre intention derrière cette construction temporelle ?

Le matériel d'archives se compose de quelques photographies prises par des architectes lors de la construction du Sava Centar. Ces images représentent le bâtiment à son apogée, lorsque sa vision initiale était pleinement réalisée. Au fur et à mesure que le film progresse et que la structure est dépouillée – les meubles retirés, les intérieurs démantelés – le contraste entre passé et présent devient plus marqué. Je voulais juxtaposer ces moments pour souligner comment l’histoire est physiquement effacée.

Le jeune garçon qui apparaît dans la seconde moitié du film apporte une dimension humaine et intime à cette histoire de démantèlement. Qui est-il et que symbolise-t-il pour vous ?

Au départ, le film semble se dérouler sur une seule journée, mais au fil du temps, on réalise que la transformation s'est opérée sur une période plus longue. En documentant ce processus, je me suis intéressé aux ouvriers, en particulier à un groupe de jeunes travailleurs chargés de démonter les intérieurs du bâtiment.

La plupart d’entre eux sont nés au début des années 2000, bien après la disparition de la Yougoslavie. Ils n’ont aucun lien personnel avec la signification idéologique ou historique du bâtiment. Pour eux, le Sava Centar n’est qu’un simple chantier. En suivant ce garçon au-delà du chantier, on passe d’un récit centré sur un lieu à un récit humain. Il ne s’agit plus seulement d’un bâtiment qui disparaît, mais aussi des personnes qui habitent et transforment ces espaces, souvent sans comprendre leur poids historique.

Quel message espérez-vous transmettre avec Inventory

Je ne dirais pas que le film porte un message unique, mais plutôt qu’il soulève des questions. Comment préservons-nous le passé ? Les symboles d’une idéologie révolue peuvent-ils survivre alors que cette idéologie a disparu ? Et comment une société choisit-elle de conserver – ou de négliger – son patrimoine architectural ?

En Serbie, de nombreux monuments modernistes ont été détruits, réaffectés ou laissés à l’abandon. Cela en dit long sur la façon dont la société serbe valorise – ou ne valorise pas – son passé socialiste. Pour moi, le film exprime un sentiment de tristesse et de perte, non seulement pour ce bâtiment, mais pour beaucoup d’autres qui disparaissent sans reconnaissance.

Propos recueillis par Valentin Blazevski

Le film sera projeté : 

lundi 24 mars à 21h à l'Arlequin 1

mercredi 26 mars à 16h au Saint André des Arts 

jedui 27 mars à 19h à la Bulac 

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