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Billet de blog 24 mars 2025

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Entretien avec Maureen Fazendeiro, réalisatrice des Habitants

Maureen Fazendeiro capture la vacuité des paysages ruraux et urbains d’une banlieue du sud-est parisien pour conter, sur le mode de l'épistolaire, l'histoire d'une communauté de Roms, dont l'arrivée perturbe la quiétude locale. Les Habitants dresse un regard sur les dynamiques de marginalisation des communautés Roms.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
© Maureen Fazendeiro/Uma Pedra no Sapato/Norte Productions

Avec ce dernier film, vous affirmez un intérêt particulier pour les différentes manières d’habiter en marge, une thématique que vous aviez commencé à explorer dans votre premier film, Motu Maeva (2014), centré sur l’habitante d’une île qu’elle a elle-même façonnée. Pourriez-vous dire que c'est l'une de vos préoccupations ? 

Maureen Fazendeiro : Jusqu'ici je n’ai jamais pensé mes films comme un travail continu ou en matière de thématiques. Quand je fais un film c’est une réponse liée à un désir instantané, né d’une rencontre comme ça a été le cas avec Motu Maeva. Pour Les Habitants, c’est une lettre que j’ai reçue de ma mère qui m’a donné envie d’explorer cette histoire. Mais oui, c’est vrai que la relation avec notre environnement et les histoires que l’on se raconte pour se l’approprier traversent plusieurs de mes films. 

Vous avez écrit le film à partir de lettres que vous avez reçues. Pouvez-vous nous expliquer dans quel contexte ces lettres vous sont parvenues ; s’adressaient-elles à vous ? Et comment l’idée de les utiliser pour le sujet de ce film a émergé ? 

J’ai reçu une première lettre de ma mère et je lui ai demandé de continuer à m’écrire régulièrement à chaque fois qu’elle allait sur le campement. Il y avait quelque chose dans les détails qu’elle donnait qui était inhabituel, j’ai senti une certaine nécessité d’écrire chez elle. J’avais envie de comprendre ce geste et de l’accompagner à ma manière, en faisant un film. J’ai reçu ses lettres pendant presque une année. Puis, quelques temps après l'expulsion de la communauté de Roms, j’ai voulu à travers ce film, montrer comment l’histoire d’une ville a été habitée par cet événement. 

Est-ce vous que l’on entend lire les lettres dans le film ? Pouvez-vous nous expliquer le choix d’endosser cette lecture à la première personne ? 

C’est une décision intuitive. Lors de l’étape du montage j’ai lu toutes les lettres que j’ai réécrites pour arriver à la structure finale du film. Au départ, l'idée était qu’une actrice ou que ma mère lise elle-même les lettres puis finalement ma voix s’est imposée avec évidence puisque j’en étais la destinataire. 

La communauté Roms ne sera d’ailleurs jamais représentée à l'écran, le film est composé majoritairement de plans montrant des espaces ruraux et urbains où l’humain est souvent absent. 

C’est un choix politique de ne pas les représenter et de montrer leur absence du paysage. Tout le monde parlait de leurs situations dans la ville et finalement personne n’est venu les voir. À travers ce choix, je voulais montrer l’invisibilisation de cette communauté. Je ne considère pas mon film comme faisant partie d'un cinéma militant, mais je crois qu'il peut amener le spectateur à réfléchir sur les communautés Roms. Lorsqu’on évoque leur intégration, il s'agit généralement de leur faire adopter un mode de vie citadin mais jamais de leur donner un espace où ils pourraient avoir leurs propres modes de vie. 

Le titre de votre film est révélateur de votre propos puisqu'il désigne comme « habitants » ceux à qui l'on refuse pourtant l’autorisation d’habiter un lieu. 

J’ai choisi ce titre car son ambiguïté me plaisait ; qui sont réellement les habitants ? Ceux de la ville que l’on voit à l’image ou ces nouveaux habitants qui ont un mode de vie où la notion de communauté est très forte, à l’opposé de la communauté inexistante des villes de banlieue parisienne. 

Enfin, continuez-vous de recevoir des lettres et d’avoir des nouvelles de Loredana et de ses proches ? 

Le film s’arrête à un moment ; mais oui, la correspondance et la relation ont perduré. Après leur départ, ils ont trouvé un nouveau terrain dans une nouvelle ville et ma mère a continué de les aider. Puis le cycle s’est répété, ils ont été expulsés, une partie de la communauté est retournée en Roumanie et Loredana vit aujourd’hui dans un logement social. 

Propos recueillis par Audrey Colard 

Le film sera projeté : 

lundi 24 mars à 21h à l'Arlequin 1

mercredi 26 mars à 16h au Saint André des Arts

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