
Agrandissement : Illustration 1

Comment le tournage de Rambo III est-il devenu le point de départ de votre film ?
Je travaillais sur un projet qui concernait les tournages effectués sur les terres palestiniennes occupées. Je suis tombé sur des documents qui m’ont paru étranges. Ils portaient la mention « Rambo » en guise de titre. J’ai pensé que c’était typiquement le genre de noms utilisés par l’armée israélienne pour les opérations militaires qui se déroulent dans le désert palestinien, puis j’ai compris qu’il s’agissait d’une collaboration entre l’armée israélienne et des boîtes de productions américaines. Le fait que l’armée israélienne prête toutes sortes d’infrastructures, d’armes, d’équipements, de figurants et puis surtout, ces terres désertiques pour y tourner des films, m’a immédiatement interpellé. C’est ce qui m’a amené à m’intéresser à la production du film Rambo III, et surtout à la personne que l’on voit dans le documentaire, qui a travaillé sur Rambo III. C’est un bédouin palestinien, Bashir, et pour lui, Rambo III était presque un film documentaire, dans la mesure où il racontait la dépossession de ses terres. Il n’a jamais vu le film après le tournage. J’étais intéressé par l’idée de trouver un moyen de passer du film à la dépossession des Palestiniens de leurs terres, et montrer comme ces questions ont à voir avec la façon dont l'armée et l'État perçoivent ces terres.
Comment avez-vous articulé le tournage de Rambo III grâce à l’intervention de l’armée israélienne, à la question plus large de la colonisation des terres palestiniennes ?
L’aspect le plus important du film était pour moi de travailler avec Bashir, le personnage principal du documentaire. C’est un peintre, un artiste. Je crois que ce qui m’a fasciné, c’est cette tension entre la manière dont les terres apparaissent dans le film Rambo III [elles sont censées représenter l’Afghanistan] et le fait qu’elles sont extrêmement surveillées, réglementées, contrôlées. Je trouvais extraordinaire que ce soit un territoire si exposé cinématographiquement, et en même temps complètement arraché à lui-même, caché dans son essence. La réalité de ces terres est complètement délaissée. C’est devenu une sorte d’espace sans loi, où les décisions prises par l’armée israélienne semblent n’avoir aucune conséquence, puisqu’elles ne sont pas ou peu relayées dans les informations. La conversation que j’ai eue avec Bashir m’a montré l’urgence qu’il y avait à faire un film prenant en compte cette dimension. Si Rambo III fait de ces terres un espace lointain, comment regarder les ruines de la Palestine dans ce contexte ? Bashir fait déjà ça dans son travail d’artiste. C’est un peintre, et il essaye toujours de tirer le sens des ruines du passé. C’est la même chose avec l’artiste et architecte, que l’on voit dans le film : elle voit la façon dont différentes sortes de bâtiments palestiniens et leur répartition dans l’espace permettent de résister à la surveillance de l’État.
Avez-vous l’impression d’avoir réussi à défendre un point de vue palestinien sur ces terres ?
On assiste en ce moment à un génocide à Gaza. Il est fondamental de comprendre que ces formes d’expropriation ne datent pas seulement d’il y a trois ou quatre mois. Je voulais montrer comment l’expropriation est au fondement de l’État d’Israël. Elle fait partie des lois qui créent la séparation entre les populations. Pour moi, cette histoire s’inscrit dans le temps long ; elle est à suivre. Dans la région du Negev, beaucoup de choses remontent à 1948. S’il s’agit de savoir si un film est capable de promouvoir une certaine vision des choses, alors oui, je pense qu’un film peut faire ça. Ce serait très naïf et optimiste de dire que c’est ce que j’attends de ce film en particulier ; je crois plutôt à la force du nombre. Si plusieurs films défendent ce point de vue, et travaillent ensemble à exposer la colonisation de ces terres, alors je crois qu’il est possible de faire avancer les choses.
Je suis moi-même israëlien, j’ai grandi en Israël, et je crois que la première chose à faire est de réfléchir au langage à la fois parlé, écrit et filmé qui traite de l’expropriation, et des traumatismes qu’elle a engendrés. C’est une manière de paver la voie vers la cohabitation, plutôt que d’aller vers toujours plus de violence.
À un moment dans le film, il est dit que la caméra est une arme. Que pensez-vous de cette affirmation aujourd’hui ? Ne vous semble-t-elle pas un peu légère, dans le contexte actuel ?
Je pense toujours que les films sont une arme et que le cinéma est une arme. À commencer par Rambo III ; c’est un film qui a été produit en 1986-87, à la fin de la guerre froide. Ça raconte l’intervention américaine en Afghanistan contre les Soviétiques, et il est très visible que ce film a été réalisé à des fins politiques. J’ai été attiré par l’idée d’approcher cette icône du cinéma populaire et de la retourner contre elle-même. L’enjeu n’était pas tant de faire du cinéma une arme, mais de rester fidèle à la multiplicité de sens à l’intérieur d’un document cinématographique. Il y a une différence entre l’usage politique des films en tant qu’armes ou en tant que boucliers. Je crois qu’ici, la caméra sert surtout à se protéger de la violence policière. Je préfère penser le cinéma dans un rôle protecteur, en opposition avec ce que proposent des films à gros budget comme Rambo III, ou d’autres films qui fonctionnent politiquement de la même manière. Mais cela reste évidemment une question ouverte.
En tant que réalisateur israélien, craigniez-vous de reproduire un geste d’appropriation en filmant ces terres palestiniennes ? Avez-vous cherché à l’éviter ?
Une fois qu’on est derrière la caméra, on est forcément aux prises avec ce problème : qui filme, pourquoi je filme ? Lorsque nous sommes entrés dans ce village palestinien, plongé dans une grande misère, forcément je me suis demandé ce que signifiait ma présence ici. Pour moi, accepter l’ambivalence de filmer dans ma position fait partie de la création du film, et de toute manière il n’y a pas moyen d’y échapper. Mais c’est en effet une question importante, et souvent, quand je regarde mes propres films, je me demande si j’ai bien fait.
On sent d’ailleurs une grande douceur dans la manière dont vous filmez les paysages palestiniens. Sur un plan technique, comment pensez-vous être parvenu à cette tendresse ? Était-elle intentionnelle ?
J’aime l’idée de filmer cette forêt avec douceur, bien qu’elle soit un symbole de la colonisation israélienne. Les pins que l’on voit dans le film ont été plantés par les autorités israéliennes ; c’est un moyen bien connu de chasser les Palestiniens de leur territoire, en plantant des arbres sur leurs terres. Et je me demandais : comment approcher ce paysage complètement artificiel, et pourtant si beau ? Les pins étaient partout autour de nous et pourtant, ils sont étrangers à cette terre. Ils nuisent à l’écosystème ; de toute évidence, ils sont des symboles de violence. J’ai pensé que la douceur de mes plans soulignait aussi l’artificialité du lieu, comme une illusion d’optique, où les arbres apparaîtraient et disparaîtraient. Ces arbres artificiels sont très importants pour moi, parce qu’ils répondent à l’arbre du village détruit de Bashir, qui n’est pas étranger au paysage et pourtant terriblement seul dans ce coin désertique. Sa relation au paysage est radicalement différente, et je me demandais comment distinguer ces deux sortes d'arbres à l’image. Plus généralement, j’ai essayé de rendre compte de l’aspect décoratif des pins, dans la mesure où ils posent un cadre dans lequel raconter l’histoire, et la violence qu’ils dégagent.
Pourquoi avoir disséminé dans le film des emails adressés à Sylvester Stallone ?
C’est amusant, habituellement, la première chose qu’on me demande c’est si j’ai vraiment envoyé ces emails à Sylvester Stallone. Ça m’amuse toujours de penser que les gens envisagent vraiment que j’ai pu les envoyer. Pour moi c’est comme une performance ; je joue avec. Comme beaucoup d’autres adolescents en Israël dans les années 90, je regardais ses films et j’étais un peu fasciné par ce mec blanc hyper baraqué. Bien sûr, il avait du succès auprès du public israëlien parce que c’était une icône militaire. Il s’agissait donc pour moi de bousculer un peu la vision que j’avais adolescent ; je voulais utiliser cette voix que j’avais encore en moi pour lui poser des questions sincères, en sachant très bien que l’enjeu n’était pas d’avoir une réponse. Il n’y a qu’un email que j’ai vraiment envoyé, et on m’a répondu en me demandant si je voulais acheter un t-shirt etc. J’ai pensé à utiliser une intelligence artificielle pour recréer sa voix – ce qui est apparemment très facile, parce qu’il a une voix très reconnaissable... Mais j’ai décidé de faire les choses plus simplement et d’écrire ces emails avec le cœur, d’une certaine manière.
Et vous n’aviez pas peur de trop pencher vers la fiction ?
Cela touche à un dilemme très important que j’ai eu plus tard avec ce film. Je voulais parvenir à communiquer avec cette image de Stallone, enfin pas Stallone mais Rambo. Stallone en lui-même était moins intéressant que Rambo, ce sauveur blanc, qui, dans Rambo III, combat les moudjahidines en Afghanistan. Et puis, l’idée de partir de Rambo pour arriver à la Palestine, qui me semblait étrange, m’est apparue de plus en plus pertinente. J’ai pensé que c’était une bonne manière de montrer l’artificialité de ce sauveur. J’étais aussi intéressé par la relation entre Rambo et le paysage. Rambo III est un film fascinant si on le regarde comme un documentaire. Il a été tourné dans le désert, et le personnage de Rambo est très visible dans ce paysage ; les deux ne vont pas du tout ensemble. Je pensais que déplacer la focalisation du héros vers le paysage était intéressant d’un point de vue cinématographique. On a fini le film en octobre 2023, juste avant les massacres du 7 octobre. Pour moi, la question de la pertinence du film dans le contexte actuel est encore irrésolue. J’espère que ce film permettra de comprendre la nécessité qu’il y a à reconnaître la Palestine, et que, sans cette reconnaissance, Israël ne sera jamais libre. Je pense que la question de la reconnaissance et de la restitution, qui est au cœur du film, est essentielle pour comprendre cette nécessité et la violence en cours.
Rétrospectivement, avez-vous des regrets sur ce que vous avez filmé ?
Oui bien sûr. J’ai toujours l’impression que je n’en dis pas assez. Mais cela dit je crois que c’est vrai pour le cinéma et pour la parole en général, même pour cette interview (rires). Dans quelques heures, je repenserai à ce que j’ai dit et j’aurai l’impression que je n’ai pas tout dit. Il y a certainement des choses que je ferais différemment aujourd’hui, après le 7 octobre et l’invasion militaire de Gaza. Je crois que le ton du film devrait être différent aujourd’hui ; c’est ce qui me pousse à faire d’autres films. Je ne sais pas s’il y a une chose précisément que je regrette… Je pense que si je pouvais refaire ce film, j’aimerais le lier davantage à Gaza, aux Palestiniens poussés vers Rafa et l’Égypte, parce que cela veut dire nécessairement être poussé vers le désert, et c’était aussi le sujet du film. Le désert devient un symbole d’exil, d’abandon ; ça m’aurait plu de montrer un peu plus clairement cette dimension. Mais les films, une fois qu’ils sont sortis, sont toujours des sortes de documentaires sur les regrets de leur réalisateur. Une chose que je ne regrette pas cependant, c’est d’avoir collaboré avec des Palestiniens.
J’allais justement vous demander si vous aviez des nouvelles des Palestiniens avec lesquels vous avez collaboré.
Depuis octobre, c’est de plus en plus difficile de les joindre. Les gens sont davantage susceptibles d’être arrêtés, de manière générale la tension est beaucoup plus palpable. Bien sûr, ce sont des citoyens israéliens, certains bédouins ont été kidnappés à Gaza, et les missiles envoyés depuis Gaza sur le territoire israëliens tombent souvent sur des terres occupées par des bédouins – ces terres sont très peu protégées et donc particulièrement vulnérables. De toute évidence, la situation est difficile pour eux. D’un côté, ils sont exposés à la violence des colons israéliens, de l’autre des attaques lancées depuis Gaza. Je suis évidemment très touché par la précarité de leur situation. Bien sûr, les films ouvrent le débat quant à ce qui se passe en ce moment en Israël et à Gaza, mais sur le territoire, il est clair que le résultat est quasi nul. Donc pour revenir à la question de savoir si la caméra est ou non une arme, d’une certaine manière je crois qu’il est important à l’heure actuelle de dire que pas vraiment. On a vu à quel point les droits humains les plus élémentaires n’ont pas été respectés en Palestine. Dans les années 2000, on promettait une diminution de la violence, mais on voit bien que la question n’est plus d’actualité. Je me demande souvent quel est l’impact de ces images de violence. Pour en faire quelque chose d’utile, nous devons nous interroger sur la façon dont les images circulent, et penser à une manière de redistribuer le sensible comme dirait Jacques Rancière, c’est-à-dire que nous devons penser au-delà du régime dans lequel nous consommons les images. Je crois que les films sont capables de faire ça. Je ne suis pas certain que mon film y parvienne, mais je crois qu’on peut y arriver.
Aujourd’hui, la tendance est plutôt à la saturation d’images montrant la violence. Votre film prend le parti de montrer les terres palestiniennes avec beaucoup de tendresse, plutôt que de montrer directement la violence subie par les Palestiniens. Pensez-vous que ce procédé soit aussi efficace pour la cause palestinienne ?
Bien sûr, montrer en permanence des images de Gaza, c’est fondamental. Mais je pense qu’on a raison de penser qu’il y a aussi un risque de fatigue compassionnelle face à la saturation d’images. En tant que réalisateur, je suis amené à penser à d’autres manières de montrer les choses. Je pense que reconnaître l’urgence de la situation demande de changer la façon dont on aborde la violence d’un point de vue cinématographique, aussi bien pour le réalisateur que pour le spectateur. Une terre peut-être à la fois belle et ravagée, il n’y a pas à choisir. La vérité, aussi douloureuse soit-elle, est que le réel est toujours multiple.
Au début du film, Bashir s’amuse à créer des explosions artificielles pour le film. Que pensez-vous de ces images aujourd’hui ?
Ce sont des images fascinantes, évidemment. Un des anciens militaires israéliens mentionne l’utilisation de phosphore blanc, interdit par les lois internationales. En ce moment d’ailleurs, des enquêtes ont été ouvertes sur l’utilisation du phosphore blanc par l’armée israélienne. Bien sûr, il en parle dans le contexte des effets spéciaux. Mais c’est vrai que ces explosions sont omniprésentes dans les médias israéliens maintenant. Quand je regarde les journaux, je vois toujours des feux, de la fumée, des champignons de poussière et de débris. Le but est de montrer le succès des opérations militaires menées par l’armée israélienne, mais on ne montre jamais les conséquences de ces succès militaires. Donc peut-être, montrer les explosions sans en montrer les conséquences c’est aussi étendre encore le champ de la violence. Mon intention était surtout de montrer la fascination exercée par ces explosions, puis d’aller chercher au-delà du mirage. Mais effectivement ces explosions me hantent et il est très difficile pour moi de les regarder aujourd’hui. Lorsque j’ai commencé à travailler sur ces explosions, j’ai aussi appris qu’elles étaient extrêmement nuisibles à l’environnement, particulièrement dans les déserts, où, contrairement à ce que l’on croit, la biodiversité est très riche. De manière générale, toutes ces opérations militaires menées dans le désert palestinien ont un impact énorme sur l’environnement. Cette notion de temporalité, entre la rapidité d'exécution des manœuvres et la pérennité de leurs effets sur les terres, se retrouve aussi dans le combat des bédouins. Vers la fin du film, lorsque Bashir parle de l’arbre de son village qui a été décimé, il mentionne les notions d’endurance, de persévérance. Elles jouent un rôle central dans le film. D’une certaine manière, cet arbre est l’opposé de l’explosion. En regardant dans les archives, je me suis rendu compte que certains films d’action des années 80 utilisaient des images d’explosions réelles organisées par l’armée israélienne. Au lieu d’en recréer pour le film, ils achetaient des images. C’est aussi cette superposition de la fiction et du réel que je trouve intéressante.
Est-ce que parler de résilience dans un contexte si violent ne vous semble pas un peu maladroit ?
Je ne crois pas que la résilience entre en opposition avec l’idée d’une résistance radicale. Je pense qu’il faut aussi de la résilience pour perpétuer un combat qui dure depuis des années. Pour Bashir, l’idée d’une résistance par les armes est une image inspirante ; il la dessine, il la peint. Il ne participe pas directement au conflit, mais en entretenant par la peinture l’idée du combat, je crois qu’il y prend aussi part, à sa manière. Et ça me semble extrêmement important. Mais la question est aussi de savoir quelle violence est justifiée au vu du contexte historique dans lequel on se situe ? Je ne crois pas que le film y réponde, c’est vrai. Peut-être que si j’avais fait ce film après le 7 octobre, je m’y serais davantage intéressé… C’est une question difficile (rire).
Sur le plan technique, on sent dans votre film un vrai intérêt pour la couleur. Le film joue sur des contrastes de rouge au début et à la fin du film, puis de bleu dans le désert… Comment avez-vous mené cette réflexion sur la couleur ?
Les couleurs jouent un rôle important dans le film. Les militaires israéliens ont d’ailleurs demandé aux producteurs de Rambo III de changer la couleur du désert et du soleil. Ce soleil bleu reflétait l’idée du travestissement des terres, de la façon dont on en fait une terre étrangère à elle-même. Je crois que j’ai d’abord été tenté de m’appuyer sur l’esthétique du désert, avec ses couleurs chaudes, puis finalement, en entendant cette anecdote, la question du contraste m’a davantage intéressé. J’ai donc construit une opposition entre des nuances rouges et bleues. Rambo apparaît en bleu pour montrer qu’il n’appartient pas à ce paysage.
Le film commence et s’achève au même endroit, dans l’atelier de Bashir. Pourquoi avoir choisi une construction cyclique ?
Oui, le film commence et se termine avec les images de Rambo diffusées dans l’atelier. Juste avant, je parle avec Bashir du film qu’il aimerait faire. Bashir adore le cinéma, il adore les histoires. Et il me racontait l’histoire de cette femme qui vit avec une balle dans la colonne vertébrale. J’ai beaucoup pensé à cette image de la balle dans la colonne vertébrale, et je trouve qu’elle représente bien la douleur des bédouins palestiniens, qui traînent avec eux le traumatisme de la colonisation.
Ce qui est intéressant avec cette image, c’est qu’elle peut tout aussi bien se rapporter aux Palestiniens comme vous venez de le dire, mais aussi à Israël. C’est aussi un espace de rencontre.
Oui ; dans l’histoire de Bashir, si on retire la balle de la colonne vertébrale, la femme meurt. Pour moi, c’est aussi une métaphore du traumatisme. À cette époque, je lisais le roman d’Adania Shibli Un détail mineur, qui a aussi une sorte de construction cyclique. J’étais bouleversé par ce roman et complètement obsédé par cette idée, que la vie dépendait de cette balle enfoncée dans la colonne vertébrale. Pour revenir à la question du cycle, le film commence et se termine à peu près de la même manière parce que d’abord, il passe de la question de la transformation cinématographique des terres palestiniennes dans le film Rambo III, puis il revient au cinéma, avec la cinéphilie de Bashir. Et puis c’était une manière de rappeler que c’était un film.
C’était une manière de faire une juste place au documentaire ? En opposition au déguisement des terres palestiniennes opéré par Rambo III ?
Oui, mais d’une certaine manière, il y a aussi une collaboration entre mon film et Rambo III, et pas seulement de manière négative; il ne s’agit pas seulement de faire des reproches. Ce sont deux films qui montrent le même territoire, et de penser que l’un est meilleur que l’autre serait aussi problématique. Retourner à Rambo, c’était aussi montrer la profonde intimité de ces deux films, leur indéniable lien. Bien que le régime d’images des deux films n’ait rien à voir, je crois que cette connexion est étrangement touchante. Et puis terminer avec la fiction c’était plus compliqué, et donc plus proche du réel.
Propos recueillis par Ariane Guillet
Projections à Cinéma du réel
Mercredi 27 mars 20h30 au Centre Pompidou, Cinéma 1
Vendredi 29 mars à 13h15 au MK2 Beaubourg