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Ce titre évoque à la fois l'identité et l'anonymat. Votre nom a-t-il été une source d'inspiration pour vous ?
Vous savez, en tant qu'artiste, on est censé se démarquer, pas rester anonyme ! Honnêtement, je ressens souvent un certain embarras à cause de mon nom. Je ne dirais pas qu'il m'inspire, mais il a sans doute influencé mon travail. Je fais des films sur le quotidien et l’ordinaire et mon nom est lui-même d'une grande banalité.
Tout au long du film, vous oscillez entre l'envie de « vous démarquer » et celle de « vous fondre dans la masse ». Cette dualité a-t-elle influencé votre parcours artistique ?
Il est très important pour moi de m’intégrer, même si une part de moi aimerait me distinguer. Mais je veux que mon travail soit accessible à tous, y compris à ceux qui ne sont pas familiers avec l'art ou le cinéma. C'est pour cela que l'humour occupe une place essentielle dans mon travail, il rend les films plus accessibles.
Ce film emprunte un ton et une approche très autobiographique, comment est-ce qu’il co-existe avec vos films précédents ?
J’essaye depuis les années 70 de faire des films qui ne se ressemblent pas ! J’aime quand le public ne devine pas que c’est mon film jusqu’au générique. Je pense que le fil rouge dans mon travail est la volonté de faire planer le doute. Je n’ai pas envie que le public ne me fasse pas confiance mais je veux qu’il reste sur ses gardes. Il faut provoquer surprise et incertitude, sinon j’ai juste l’impression de nager dans une soupe tiède. Dans ce film en particulier, j’emprunte des éléments autobiographiques, mais les intertitres et les images retravaillées font douter sur la véracité absolue de mon récit. Pour ça, je joue avec la tension entre image, son et voix off, toujours avec humour, parce que sinon à quoi bon ! J’adore perturber les attentes des spectateurs.
Being John Smith est dans la veine du (net) found footage avec beaucoup d’images fixes, pourquoi choisir cette forme ?
J’avais envie de faire un film sur mon nom depuis longtemps, et l’envie s’est matérialisée avec le plan qui clôt le film. En fouillant dans les affaires de mon père, photographe amateur prolifique, je suis tombée sur une photo de moi à trois ans. J’avais le début et la fin de mon histoire, il fallait que je trouve le milieu. J’ai rédigé mon script et j’ai partiellement rempli les vides sur ma table de montage, sans le souci de tout combler, parce que j’aime des écrans noirs qui ouvrent d’autres narrations. En regardant ce que j'avais, ça m'a paru très conventionnel, alors j’ai utilisé ces intertitres pour instiller de la surprise et du doute. J’étais davantage satisfait et ça me permettait de mieux représenter comment je me sentais face au contexte politique actuel. Ah et je m’arrange toujours pour faire des films sans budget : le voici.
Justement, votre film porte une forte dimension politique. Pensez-vous que le cinéma, même expérimental ou autobiographique, doit toujours avoir une portée politique ?
Je ne pense pas qu'il doive y avoir des règles. On ne devrait pas culpabiliser si l'on veut simplement filmer de jolies fleurs sans message politique. Mes premiers films étaient purement visuels, sans sous-texte engagé. Pourtant, aujourd'hui, avec la situation actuelle, j’aurais du mal à faire un film sans résonance politique. D'une manière ou d'une autre, tous mes projets récents intègrent cette dimension.
Ce film a-t-il changé votre relation avec votre nom et votre identité ?
Réaliser ce film a été une expérience cathartique. J'avais tant à dire sur mon nom que le processus a été assez fluide. Bien sûr, j'exagère certains aspects pour l'humour, mais tout repose sur un ressenti authentique.
Propos recueillis par Lucile Gautier et Assia Tahiri
Le film sera projeté :
Mercredi 26 mars à 21h à l'Arlequin 1
Vendredi 28 mars à 14h au Saint André des Arts