Cinéphile en campagne

Abonné·e de Mediapart

47 Billets

0 Édition

Billet de blog 7 août 2024

Cinéphile en campagne

Abonné·e de Mediapart

« Les fantômes » : invisibles et revenants

Comment mettre en scène la violence sans en imposer l’impact à la spectatrice ? Question ancienne qui fait son retour dans le cinéma contemporain. « Les fantômes » l’aborde au prisme du conflit actuel en Syrie.

Cinéphile en campagne

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cinéma et violence

Jonathan Millet fait le choix de montrer la violence de manière indirecte. Il existe des images de la torture en Syrie, documentée par l’ancien photographe connu sous le pseudonyme de César. Il existe des familles qui recherchent depuis l'Europe les preuves du décès de leurs proches et de l’identification de leurs bourreaux.

Les fantômes déplace le sujet d’actualité dans le film d’espionnage. Nous ne verrons pas la Syrie. Les images seront déplacées vers des mots, mis dans la tête du personnage. Le réalisateur cherche à accéder à l’intériorité de ceux qui en reviennent à travers son personnage principal. L’acteur Adam Bessa lui donne une profondeur vertigineuse.

Art du point de vue

Le personnage principal ne dira presque rien de son histoire - et nous serons amené.es à douter de ce qu’il raconte. Les dispositifs d’accueil des réfugié.es sont de toutes façon montrés comme invalidant sa parole : tout le monde raconte ça pour obtenir des papiers, lui confie un interprète - vous devriez faire un rituel de deuil lui conseille une psychologue qui s'en tient à ce qu’elle connaît, tenant hors champ la torture. 

Nous ne saurons pas grand chose de certain sur cet homme, mais nous partageons son point de vue. Sans que cela ne nous soit dit, nous ressentons sa pulsion de mort, son désir de se mettre à la place du suspect, ses doutes déchirants, son obsession pour l’autre… toute la psychologie du personnage est confiée au visage de l’acteur et à son point de vue. 

Espoir minimal

Un film d’espionnage se termine classiquement par l’arrestation du méchant. Ici l’enjeu philosophique dépasse la narration : peut-on faire confiance à la justice ? Fait-on justice pour soi-même ou pour sa communauté ?

La réponse que lui donne le film est fragile, incertaine. La décision finale du personnage est une forme d’espoir.

On ne se remet pas de certains traumas. Mais on peut peut-être choisir la direction dans laquelle faire le prochain pas, aussi difficile soit-il à accomplir. Avec un doute cruel : finalement, la victime ne va-t-elle pas choisir d'adopter le rapport au passé de son bourreau ?

Illustration 1
Mystères en miroir © Memento

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.