Le jeune guinéen qu’est Souleymane se lance à la recherche du premier film guinéen. Réalisateur aux pieds nus, perche et bonnette dans le sac à dos, ou homme-sandwich en costume bleu, il se met en quête de lieux, de témoins, de pellicules des premiers temps du cinéma de son pays - dont il n’a jamais entendu parler au cours de ses études. Ses modèles sont les fruits d’une autre culture. C’est que l’histoire du cinéma comme la constitution d’archives portent encore la trace de l’histoire coloniale. Qui établit ce qui est digne d’être conservé? Après avoir écumé ce qu’il reste des salles de la Sily, c’est à Paris qu’il faut aller pour espérer trouver les précieuses bobines - Paris où le cinéma « La clef » est lui aussi menacé de disparition. L’aventure prend un tour quichottesque.
Souleymane Diallo met le cinéma du côté du spectacle plutôt que de la technique, en se demandant ce qu'il en reste s'il est privé de diffusion collective. Si les films sont mortels, il est toujours possible d’en faire avec une caméra de bois - comme l’avait fait Joris Ivens avec des étudiants à Cuba. Question avant tout de perception puis de récit, c’est-à-dire d’un corps engagé dans des relations. On pense à Talking about trees, du soudanais Suhaib Gasmelbari, qui suit de tout aussi rocambolesques vieillards rêvant les films qu’ils ont tournés et le retour d’une grande projection à Khartoum.
Mais quand il s’agit de proposer à des enfants de faire un film, ce sont les images de la violence qui surgissent. Façon de nous dire que la production audio-visuelle n’est pas morte, et qu’elle modèle les imaginaires dès le plus jeune âge. A l’uniformisation mondialisée des blockbusters répondent les bricolages comiques de Souleymane Diallo. Derrière les enjeux concernant les politiques d’archivage, il filme peut-être un basculement anthropologique plus profond concernant la disparition de la mémoire. La mémoire qui n’est pas un hangar rempli de pellicule mais la circulation de récits constitutifs d’une identité.
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