Pitch de mélo
On pourrait se croire revenu à Tout ce que le Ciel permet de Douglas Sirk (1955) où une veuve de la bonne bourgeoisie tombait amoureuse de son jardinier. Ici Sophia (la sagesse…) tombe dans les bras du charpentier (Sylvain, l’homme des bois). Si la pression sociale, moins cruelle, n’en est pas moins présente, le dilemme de Sophia est un peu différent : prise entre son philosophe de mari (qui fait la carrière qu’elle ne fait pas) et ce beau gosse de Sylvain, Sophia cherche à concilier l’intellect et la jouissance. Et le constat est amer : à vouloir les deux, une femme risque la solitude.
Ménagères de plus de cinquante ans
Les perspectives proposées par la génération précédente sont angoissantes : le trio de mère et belles-mères (toutes sans homme à leur côté) offre un horizon glaçant. Entre la belle-mère qui admet n’être rien sans son mari et celle qui est alcoolique, la mère de Sophia tire un peu mieux son épingle du jeu, bien qu’elle soit incapable de communiquer avec ses enfants. A voir la vacherie avec laquelle elle conseille à sa fille de se méfier des Espagnols qui ont fondé l’Inquisition, ou la fausse séance de psy où elle écoute Sophia, allongée sur le canapé, en passant l’aspirateur, il est clair que cette mère ne peut rien transmettre à sa fille pour l’aider à s’orienter. Il y a bien Françoise, la copine, mais elle est accablée d’enfants.
Simple comme Sylvain, compliqué comme Sophia?
Un des problèmes de Sophia, c’est qu’elle semble aimer être dominée. La façon dont elle vit sa sexualité, que ce soit avec Xavier ou avec Sylvain, laisse songeuse… Elle prend son pied dans un choc bestial des corps. Sur les sujets qui concernent sa vie privée, elle est traversée par une multitude de modèles, d’injonctions et de désirs contradictoires - à l’image de son cours de philo, où elle passe d’un auteur à l’autre, d’un système à l’autre, suivant une chronologie au fil de laquelle elle n’élabore aucune pensée personnelle.
Désespérer de l’hétérosexualité
Entre amitié platonique et sexualité schopenhauerienne, la relation hétérosexuelle dans laquelle Sophia cherche à s’épanouir se semble pas exister. Elle termine son cours en citant bell hooks, ramenant l’amour (ni sexuel ni sentimental) à une décision - ce qu’elle ne dit pas, c’est que pour le penseuse afro-américaine, l’amour est politique et doit permettre d’abolir les formes de domination.

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