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Billet de blog 17 novembre 2024

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En finir avec l'amour ouf

Dans un film long et fasciné par l’image de la violence, Gilles Lellouche nous conte l’histoire d’amour romantique entre une jeune fille qui a de la répartie et un bad boy qui semble ne savoir rien faire d’autre que frapper. Pourrait-on enfin laisser ce type de récit aux années 80 ?

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Palme du machisme retro-grade

   L’amour n’est-il pas la plus belle invention du patriarcat? Pourrions-nous questionner ce sentiment devenu un absolu, une valeur clef de l’individualisme promu par un certain romantisme au XIX° siècle - siècle qui voit une grande dégradation de la condition féminine.
Dans le film de Lellouche, l’amour justifie tous les ratages. Oui, comme elle le dit elle-même, Jackie est conne. Et le film encore plus, qui nous raconte que l’Amour, le vrai, avec un grand A, peut tout (et c’est la preuve de sa vérité) : vous faire rater votre bac, changer un destin ou contenir le violence. Promouvoir une telle conception de l’amour, c’est nourrir un imaginaire patriarcal qui influence des choix de vie. Et renforcer la croyance qu’ont beaucoup de femmes que leur compagnon va changer, et qu’elles vont l’y aider parce qu’elles l’aimeuh.

   C’est que l’injonction moderne, c’est l’intensité - celle dans laquelle tout est dissout, la condition sociale comme les liens familiaux. Le seul contre-modèle qui est proposé, c’est la consommation, la réussite sociale, le couple publicitaire. Jackie n’a aucun rêve, aucun projet, et ne semble concernée que par les hommes (père, amant, mari). La scène où elle se déshabille sous la pluie pour rendre ses vêtements de travail à Jeffrey est d’un male gaze caricatural. Soit elle est la sauveuse, soit elle est le trophée, étant toujours définie par son partenaire masculin.


Récit de l’origine de la violence

   La perversité du propos, c’est de montrer qu’un homme qui n’est plus aimé ou ne se croit plus aimé donne libre cours à sa violence, que ce soit pour Clotaire ou pour Jeffrey. Histoire de faire retomber l’origine de la violence des hommes sur les sentiments (inconstants…) des femmes.

   Le film est tout du long fasciné par une certaine image de la violence, héritée des films noirs. Tellement lourdement cinématographique qu’elle en devient comme irréelle. Banalisée. Les hommes, les vrais, ceux qui plaisent aux femmes, sont encore ceux qui cognent dur - parce qu’il y aurait dans nos fantasmes une adéquation entre un mec qui cogne dur et un mec qui baise bien. Le bad boy comme archétype du sauvage de l’intérieur. Le chemin pour cesser d’être hypnotisé collectivement par des masculinités toxiques est encore long. 

Illustration 1
Voiture, vitesse, choc et passion © Chi-Fou-Mi Productions

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