Extractivisme de la beauté
Les herbes sèches est d’une beauté sublime, exhibée dans des photographies qui interrompent le cours du récit. Mais celui qui les réalise est un sale type, dont l’occupation - presque l’obsession - est de dominer celles et ceux qui l’entourent. Samet manipule et domine : les deux personnages féminins, son colocataire, et finalement le destin. Car il obtient ce qu’il veut. Aucune sanction morale ne viendra arrêter la trajectoire de cet être abject - nous ne sommes pas à Hollywood, et cela participe d’une tension constante qui ne se résoudra pas.
Hybris pathétique
Nuri Bilge Ceylan analyse minutieusement la mécanique du pouvoir à l’œuvre chez son personnage masculin sans lui prêter aucun mobile. Rien ne semble motiver ses actions, à l’inverse de Nuray et son accident. Lui ne comble pas une faille. Il exerce le pouvoir pour le plaisir gratuit d’exercer le pouvoir. Et de se prendre pour un dieu. C’est le sens que l’on peut donner à la dernière séquence où il gravit une montagne en foulant aux pieds des herbes sèches, qu’il compare à autant de vies humaines insignifiantes. Colosse ayant atteint la taille de gigantesques colonnes, il songe à la seule qui a semblé lui échapper, pour en faire une sorte de petite divinité qui soit son égale. Et dans une voix off poético-philosophique, nous l’entendons justifier sa domination par des sentiments - jamais par les conditions socio-économique et le mépris de classe qui filtre dans plusieurs de ses propos.
Un film sublime, donc, fascinant dans les détails de la mécanique du pouvoir, qui se résout par les états d’âme désinvoltes d’un dominant qui se prend pour un romantique. Ecoeurant.

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