Cinéphile en campagne

Abonné·e de Mediapart

47 Billets

0 Édition

Billet de blog 19 novembre 2023

Cinéphile en campagne

Abonné·e de Mediapart

Tout Miyazaki en un chef d'oeuvre

Reprenant tout le répertoire de formes qu’il a constitué au fil de décennies, Miyazaki propose avec « Le garçon et le héron » un voyage imaginaire, menant de l’impossible deuil à la perspective du renouveau. Sublime.

Cinéphile en campagne

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Plus bas que l’émotion

Même s’il reste obsédé par l’envol, c’est vers les profondeurs de la douleur indicible que nous entraîne Miyazaki. Celle qui ne se dit pas - et qui pousse un enfant à s’auto-mutiler. Son animation se fait donc aussi peu émotionnelle que possible. C’est qu’il tente d’agir à un niveau plus profond qu’il est difficile de qualifier - inconscient peut-être - et qui nous meut, si nous acceptons le voyage. Le récit lui-même foisonne, avançant par analogies, métamorphoses, faisant se croiser des lignes temporelles infranchissables. Une complexité qui fait du bien, en écho à celle qui nous traverse et nous occupe.

Illustration 1
Au risque de la métamorphose © Studio Gibli - Wild Bunch

Eloge de la belle-mère et des mamies

On retrouve avec jubilation tout le personnel des films de Gibli, des Sylvains devenus des Warawara au roi perruche à la corpulence d’un Porco Rosso. On se découvre familier de tout un univers, et c’est cette familiarité-même qui nous porte. Preuve que Miyazaki a conscience de la force des images qu’il a mises au monde. Ce qu’il fait de ce grand recyclage est prodigieux. Il y ajoute peut-être quelques références à de grands classiques, débordant le monde de l’anime vers Les oiseaux d’Hitchcock ou 2001 Odyssée de l’espace de Kubrick. Il ramène surtout une fois encore toutes les images traumatiques de la culture japonaise, de la vague à Hirochima, des bombes incendiaires aux corps qui fondent. Cet enfant en deuil est traversé de la mémoire de tout un peuple, qui s’affronte aux éléments que sont le feu et l’eau.

Illustration 2
Faire face au feu et à l'eau © Studio Gibli - Wild Bunch

... Il faut tenter de vivre

A l’intérieur du film, le réalisateur nous conseille de renoncer à la compréhension - comme l’enfer de Dante (qui est cité à l’entrée du tunnel) demandait de renoncer à l’espérance. Ce que justement Miyazaki ne fait pas. Si un monde s’écroule par l’horreur d’une guerre ou la bêtise d’un roi de pacotille, il est toujours possible de continuer à vivre. Et de retourner voir ce film pour en goûter encore toute l’inventivité et la force de vie. 

Illustration 3
"Fecimi la divina potestate" © Studio Gibli - Wild Bunch

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.