Napoléon assiège Toulon et Louis XIII La Rochelle. Louis Garel/XIII ayant remporté le match dès D’Artagnan, oublions Joaquin Phénix. Intéressons-nous à ce moment d’action qu’est la prise d’assaut, nocturne, d’une ville fortifiée de bord de mer, puisqu’on le trouve dans les deux films.
Sans aucun doute, le choix de Bourboulon de tourner en décor naturel a une grâce qui échappe aux reconstitutions américaines. Le plus intéressant du film français, ce sont peut-être ses décors - quelques brèves scènes tournées en forêt se révélant particulièrement poétiques.
Napoléon, à l’orée d’une première victoire décisive à Toulon, se lance à l’assaut et chute, son cheval ayant été percuté d’un boulet de canon. Quelques scènes plus loin, il revient vers ce cheval qui s’est sacrifié pour lui, en extrait le boulet et demande à ce qu’il soit envoyé à sa mère. Trait d’humour anglais en référence au « My Kingdom for a horse » de Shakespeare? Ridley Scott abolit la narration propre à l’action pour se concentrer sur l’émotion : Napoléon est un homme seul, héros moderne angoissé, ami des bêtes et très attaché à sa mère. Self made man du XXI° siècle.
Du côté de La Rochelle, les Mousquetaires et les hommes de Chalais partent ensemble à l’assaut. Suspens : vont-ils faire équipe jusqu’au bout? Chalais va-t-il trahir? D’autant plus que nous savons que l’assaut, voulu secret, a été éventé… malgré les maladresses (et des cascades épouvantables) on voit le travail sur le suspens et la conduite de l’action. Qui en est le héros? Le collectif des mousquetaires? Plutôt leur chef, le capitaine de Tréville : c’est lui qui s’est porté volontaire, malgré une mort probable ; stratège, il calme l’impétueux Aramis (pour gagner du temps…) ; il est blessé au combat. Choix étrange quand on y réfléchit, qui décentre le regard du quatuor de vedettes vers celui, plus discret, qui les dirige. Autoportrait du réalisateur en Capitaine?
Certes François Civil n’est pas Belmondo (qui avait quand même un sens du mouvement, désormais confié à la seule caméra) et Eva Green n’est pas Adjani (si vous avez raté la référence au costume de La Reine Margot). Notons que dans les deux films les personnages féminins sont particulièrement mal écrits - la bouffonnerie autour de la soeur d’Aramis atteignant des sommets machistes. Une exception peut-être pour Vicky Krieps, qui joue la reine de France. Elle a ici une scène très picturale où elle dresse un cheval blanc (revenons au canasson). Alors qu’elle donne à D’Artagnan une information importante et prononce le mot de « Londres », la brume envahit l’arrière plan, déréalisant toute la scène et lui donnant valeur de prémonition funèbre.
Au final, le cinéma français ne démérite pas. La même équipe (producteur, réalisateur, scénaristes, costumier, décorateur et chef op) nous annonce un Comte de Monte Cristo avec Pierre Niney. Nous voila revenus au feuilleton de cape et d’épée. Délicieusement vieillot et terriblement conservateur.
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