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Billet de blog 25 septembre 2023

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Gondry vs Moretti : cinéma ou cinéaste en déréliction ?

Est-il désirable de travailler dans le 7° art ? « Le livre des solutions » et « Vers un avenir radieux » mettent tous deux en scène un réalisateur glissant, pour l’un vers la folie, pour l’autre vers la vieillesse. Ego trip ou ode au cinéma?

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En finir avec le génie

Gondry fait jouer à Pierre Niney son propre personnage de réalisateur génial et bi-polaire. La maladie mentale, saisie dans de petites choses, de petites phrase en apparence banale, est rendue de manière convaincante. Mais pourquoi accoler la folie au génie ? - disons plus modestement à l’artiste. Arrêter son traitement en cours de montage justifie-t-il les agressions verbales (et nocturnes) permanentes à l’égard d’une équipe réduite (deux femmes et un homme racisé)? On se demande d’ailleurs comment ils font pour ne pas partir plus tôt! Par pitié? Et en plus d’être insupportable, de se penser génial et d’agir en tout puissant, le réalisateur met dans son lit la fille qu’il convoite. Alors bien sûr il y a les bidouillages mignons du grand enfant, mais sa monteuse n’est pas béate d’admiration devant le camiontage. Nous non plus. Arrêtons-là, on ne tire pas sur l’ambulance.


Finir en vieux con

Moretti à son habitude se met en scène. Il joue de plus en plus mal, avec un diction qui nous donne l’impression qu’il a fait un AVC ou été prof dans les années 20. Ses ébahissements sont drôles tellement ils sont excessifs. Lui aussi est insupportable - et là encore personne ne parvient à lui dire qu’il doit sortir du plateau et du cadre lorsqu’il bousille le dernier jour de tournage d’un jeune collègue. C’est un homme vieux, qui a les références d’un autre temps, celles à Fellini étant particulièrement appuyées. Et cet homme vieillissant, qui ne comprend rien à ce qui se passe autour de lui, s’emmêle dans les époques, les décors et les films. Pour aboutir à une belle scène finale, où les visages fanés d’acteurs et d’actrices italiennes d’un autre temps prennent place au coeur d’un communisme artistique intemporel. 


La question qui demeure, c’est de savoir si c’est le cinéma ou la posture du réalisateur démiurge tout puissant qui est d’une autre époque. Combien de temps va-t-on encore cautionner cette représentation de l’artiste, qui, parce qu’il est soumis aux affres de la création, peut tout se permettre, sous prétexte qu’il a du succès? Difficile d’imaginer que des films comme ceux-là rendent désirable le monde du travail qu’est aussi le cinéma.

Illustration 1
Réalisateur : mâle blanc qui a tendance à oublier qu'il ne serait rien sans les femmes qui le soutiennent, et qu'il filme en retrait.

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