Il nous a donné rendez-vous le 6 mai 2012 pour la victoire. Quatre millions de Français s'étaient mis en marche pour son investiture. «C'est l'appel de tout un pays qui s'adresse à nous, il attend un acte fort, une vision pénétrante, un projet collectif pour ré-enchanter le rêve français.»
Le capitaine des pompiers en pleurait dans son casque -et moi aussi. Il a conclu son beau discours en disant: «Je fais confiance à l'équipe autour de moi pour mener une campagne enthousiaste». Enthousiasme: émotion intense qui pousse à l'action dans la joie - Petit Robert. C'est gagné, non? Il est flagrant que le Parti socialiste, d'un seul bloc, est derrière son chef et combat le doute qui s'insinue silencieusement quant à l'issue radieuse du vote ultime.
Tous ensemble - sauf ses amis. Une vraie catastrophe.
A commencer par Martine Aubry dont il a salué la loyauté. Suite à la gauche molle, le parler flou et autres gracieusetés, c'était déjà généreux. Après les magouillages, dans son dos, de Martine avec Cécile Duflot de Paroles -celle-là, dès qu'elle ouvre la bouche on ne peut plus l'arrêter- sur les douloureux accords PS-EELV pour négocier des postes aux législatives... il est bien bon de ne pas rayer la mention inutile. (En prime, son chef de cabinet, M. Laouzi, a donné sa démission, faute d'avoir obtenu sa circonscription désirée). Fabius, lui, avait pris les devants, juste avant les primaires: «Franchement, vous imaginez Hollande en Président de la République?»
Montebourg, soutien officiel du Candidat à la Présidence, a décrit Hollande comme «gestionnaire du moindre mal» -peut faire mieux, question encouragement. Quant à Mélenchon, que j'apprécie normalement, s'il avait traité M. Sarkozy de «capitaine de pédalo dans la tempête», c'eût été un peu moins mal venu que d'attribuer ce poste à un éventuel partenaire. Dans son discours d'investiture, François Hollande affirmait: «Nous n'avons que deux adversaires, la Droite et l'Extrême Droite». Maintenant, il peut ajouter l'extrême gauche et l'extrême Vert.
Même sa compagne, Valérie Trierweiler, ne lui parait pas d'un grand secours. Cette jolie femme, très soignée, se baladerait-elle avec six verrues sur la figure, la prémolaire supérieure droite absente et, derrière la calvitie, des frisottis trop longs dans le cou? Non, bien sûr. A celui qui a le cœur pur et se soucie peu de son apparence, on apprend la stratégie de l'image. Tout compte dans une élection. Mitterrand s'était fait limer ses canines de vampire et il avait raison.
On dit que FrançoisHollande s'est acheté une Histoire de Napoléon. Il aurait dû investir dans une distribution de dictionnaires. Afin que ses proches, ses alliés, prennent le soin de vérifier le sens des mots qu'ils emploient. Pour l'instant, ceux-ci se retranchent derrière la ligne Maginot pour critiquer le silence de leur leader face à la supposée soumission de la France à l'Allemagne dans le nouveau Traité Européen. Ils semblent ignorer qu'avec le temps, l'expression «ligne Maginot» est devenue synonyme d'une défense qu'on croit inviolable mais qui s'avère totalement inutile -pour ceux qui sont radins quant à l'achat d'un dictionnaire, Wikipedia, c'est gratuit.
François Hollande est un homme exceptionnel. Miraculeusement honnête. La moitié des hommes politiques sont des bons à rien, les autres sont prêts à tout, disait Coluche, ce sage. Hollande est hors catégorie. Intelligence aiguisée. Culture approfondie. Maîtrise de soi. Jamais piégé par l'agressivité. Aucun coup bas à son passif, c'est très rare. Et enfin, pour ceux qui le connaissent bien (je n'ai pas ce privilège), brillantissime et plein d'humour.
Justement, M. Hollande, si je puis me permettre, la solennité ne vous va pas du tout, elle vous donne l'air gauche (ce n'est pas un minable jeu de mots), votre gaieté naturelle, votre sens de la boutade qui fait mouche seraient plus entraînantes, plus convaincantes que le ton que vous employez pour réciter ce qui ressemble un peu à du catéchisme. Nous attendons avec impatience que votre programme devienne un peu moins sibyllin. Nous comprenons que vous n'avez pas trop le choix. A la moindre de vos propositions, vos amis vous tombent dessus. Vous préférez, dîtes-vous, «apaiser» plutôt que répondre aux attaques. Disons que si vous étiez une machine de guerre - c'est quand même un combat que vous menez?- vous resteriez au point mort. Il est temps d'enclencher la première. Mais tant que vous aurez vos amis dans les pattes, vous n'arriverez à rien.