Le 2 mai, j’ai reçu une belle lettre signée à la main « Nicolas Sarkozy ». C’était donc entre les deux tours de l’élection présidentielle, alors que nos deux candidats n’avaient pas une minute à eux dans la course aux meetings. Je la garde précieusement, comme un collector. Qui sait si je ne suis pas la dernière à avoir été nommée « officier dans l’Ordre national du Mérite » par le président ?
Je lui ai écrit un mot pour le remercier de tout cœur de l’honneur qui me frappe (sans que j’aie jamais rien demandé et sans connaître aucun de ses ministres) et lui dire aussi ma reconnaissance pour le courage et la dignité dont il a fait preuve lors de son discours à la Mutualité. C’était quand même autre chose, ce soir-là, que « La Vie en rose » jouée à l’accordéon sous la pluie fine de Tulle.
Je n’ai jamais adhéré à un anti sarkozysme primaire. Je n’ai jamais eu la haine des riches parce qu’ils sont riches, ni l’amour des pauvres parce qu’ils sont pauvres. Comme l’a si bien écrit Renaud Donnedieu de Vabres : «Je ne suis pas socialiste mais je souhaite avec beaucoup d’espoir et de conviction à François Hollande et à notre pays de réussir. L’ouverture d’un quinquennat doit rechercher son énergie et sa dynamique dans les réflexes que chaque citoyen doit avoir pour porter pour accompagner et amplifier l’élan donné par la sommet…» Il a raison (mais ce n’en était peut-être pas une de ne même pas raccompagner au bas des marches de l’Elysée le Président sortant). Passons.
J’ai aussitôt accepté cette distinction : pour mon petit-fils de six ans, voir grand-mère décorée, c’est aussi beau que si on lui remettait l’épée-laser de Spiderman. QUI allait me la remettre ? Dans la marche à suivre de la Grande Chancellerie, le récipiendaire doit obligatoirement soit avoir le même grade que vous, soit un grade supérieur, soit être un ministre en exercice. Côté nouveaux ministres, ils sont tous surmenés à préparer des décrets qui soient strictement à l’opposé de ceux qui rappelleraient l’ère Sarkozy, ou à innover frénétiquement de grandes causes nationales, telles les méfaits du soleil et l’éventuelle suppression des cabines à UV, quitte à mettre des petites entreprises au chômage. Bref, hors de question de les déranger ces temps-ci.
J’ai donc pensé à Renaud Donnedieu de Vabres, que j’avais beaucoup apprécié en son temps à la Culture. Il a accepté tout de suite, avec le sourire, l’ouverture aux autres qui le caractérisent. Et nous voilà à remplir les papiers. Et dès la première ligne, le choc : « Je ne peux pas ! » Renaud n’est que « chevalier ». Alors qui ? J’ai appelé au téléphone mon carnet d’adresses au complet, pour savoir qui était gradé. Il y en avait pas mal. Mais tous « chevaliers », pas « officiers ». Me suis alors posé la question existentielle : pourquoi m’avait-on nommée « officier », sans avoir été « chevalier » au préalable ? J’ai peut-être trouvé la réponse en relisant la lettre du Président: «…Cette prestigieuse distinction que j’ai tenu à vous décerner sur la réserve présidentielle… » Il y avait sans doute un dernier quota de décorations à attribuer, qui ne serait plus valables sous le Président suivant et il ne restait plus que « officier » ? J’ai toujours eu de la chance. Ce ne sont pas mes mérites que nous allons célébrer mais encore une chance que l’on m’offre.
En attendant, y a-t-il quelque part un officier de l’Ordre national du Mérite prêt à se dévouer pour me remettre ma médaille ?