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Billet de blog 1 février 2024

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Attal-Macron. Un double ‘’je’’ à la tête de l’État ?

Emmanuel Macron, en bon ‘’monarque républicain’’, discourt à la première personne. Mais aussi son Premier ministre Gabriel Attal, pourtant simplement nommé par lui. Attal ne serait-il que la voix de sa marionnette en dépit de son usage obsessionnel du ‘’je’’ ? Ou bien pourrait-il y avoir dyarchie au sommet de l’Etat ? Qui croire ? Que croire ?

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Aux termes de l’article 21 de la Constitution de la Cinquième République, le Premier ministre « dirige l’action du gouvernement ». Mais comme l’a souligné le constitutionnaliste Maurice Duverger, « la formule est moins claire qu’elle ne paraît. Elle ne dit pas que le Premier ministre dirige ‘’le’’ gouvernement, mais ‘’l’action du’’ gouvernement, laquelle a pour but d’appliquer les décisions prises collectivement en Conseil des ministres. Le président de la République dirige les délibérations de celui-ci : il préside ainsi le gouvernement réunit en corps pour prendre des décisions. Il n’y a donc pas un chef de gouvernement, mais deux, dont les moyens de se faire obéir ne sont pas équivalents » (« La monarchie républicaine ou comment les démocraties se donnent des rois », par Maurice Duverger, Robert Laffont, 1974, p.152)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les rôles respectifs du Président de la République et du Premier ministre ne sont pas définis sans ambiguïté… Ils dépendent donc des conjonctures, du poids politique de chacun des protagonistes, de leurs capacités manoeuvrières.

Comme l’a noté avec beaucoup de franchise et de lucidité Pierre Joxe « l’exercice de la fonction de président de la République est forcément ambigu parce qu’il ne repose pas sur un mécanisme juridique simple […]. Le président de la République a du pouvoir. Il n’a pas le pouvoir. Il ne peut se désintéresser de rien, car il a le droit de dissolution et c’est lui qui nomme les ministres ; mais il ne peut pas gouverner, il n’a ni l’initiative des lois ni le pouvoir réglementaire car il n’est pas le gouvernement. Donc s’il veut jouer un rôle, il est fatalement conduit à manoeuvrer – cohabitation ou pas » ( « A propos de la France », Itinéraires I », par Pierre Joxe, Flammarion, 1998, p. 196)

L’espace de manœuvres et le poids politique dépendent certes de conjonctures, plus ou moins favorables ; mais ils dépendent aussi, et peut-être surtout de l’image de chacun, de l’image même de la fonction de chacun. Le constitutionnaliste Maurice Duverger est catégorique là-dessus ; «  faire croire au public que le Président ou le Premier ministre est le chef réel du gouvernement, qu’il dirige la politique de la nation , qu’il prend les décisions fondamentales, cela renforce les pouvoirs du Président ou du Premier ministre . L’importance des différentes fonctions politiques n’est pas seulement déterminée par les textes constitutionnels, législatifs et réglementaires. Elle l’est plus encore par le poids des forces sociales. L’image que le public se fait d’une fonction politique est l’une de ses forces » (« La monarchie républicaine ou comment les démocraties se donnent des rois », ibid, p. 33)

In fine, que penser de l’usage effréné du ‘’je’’ par le ‘’monarque républicain ‘’ Emmanuel Macron (élu au suffrage universel), et aussi (dans le même temps sinon en même temps) par le tout jeune Premier ministre Gabriel Attal (simplement nommé). Qui croire ? Que croire ? En pleine crise !

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