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Billet de blog 1 juin 2017

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La mini-réforme Fillon-Blanquer du bac occulte-t-elle une macro-réforme macronnienne?

La réforme annoncée par le ministre de l'Education nationale est focalisée sur une ''simplification'', à l'instar de ce qu'avait tenté en son temps François Fillon. Beaucoup de ''bruit pour rien'' et un escamotage ministériel ?

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Il est pour le moins étonnant que l'on a été amené à considérer que la passation des épreuves du baccalauréat est devenue une charge insupportable . En effet, dans le passé, cette charge a été bien plus plus lourde. On dira certes qu'il y a désormais beaucoup plus d'élèves qui passent le baccalauréat. Mais il y a aussi beaucoup plus de professeurs pour le faire passer (le ''ratio'' candidats- professeurs restant sensiblement le même).

Au cours du XIX° siècle, on a intégré peu à peu de plus en plus de matières au baccalauréat. Cette poussée considérée comme ''encyclopédique'' conduit au dédoublement du baccalauréat qui se passe à partir de 1874 en deux parties, l'une à la fin de la classe de première et l'autre à la fin de la terminale. Par ailleurs, le baccalauréat se composait déjà depuis longtemps d'un écrit et d'un oral pour tous. En 1927, on crée de plus deux sessions : une en juin, et une en septembre (durant laquelle les élèves qui avaient échoué devaient tout repasser). On le voit, et pendant longtemps, la charge de la passation du baccalauréat a été - et de loin- bien plus lourde qu'aujourd'hui.

Durant la période gaullienne, on entre dans les turbulences de la ''simplification'' . En 1959, suppression de l'épreuve orale sauf pour les langues vivantes. En 1960, on supprime la seconde session de rattrapage, mais on la remplace par un oral de rattrapage qui a lieu sur le champ pour les élèves qui ont obtenu au moins 7/20 de moyenne. En 1962, on supprime le bac en première, et on le remplace par un examen probatoire interne au second degré. En 1965, on rétablit la session de rattrapage en septembre pour ceux qui ont au moins 7, avec un écrit et un oral. Puis on supprime à nouveau la session de septembre, mais on rétablit l'oral de rattrapage pour les élèves qui ont obtenu au moins 8. En 1969, création de l'épreuve par anticipation de français en première. Avec cette nouvelle formule, on revient finalement en arrière. Désormais, les élèves de première passent une épreuve orale et écrite en français. On finit par trancher pour une seule session de rattrapage à l'oral, configuration qui prévaut toujours aujourd'hui !

En 2005, le ministre de l’Education nationale François Fillon a mis en exergue dans la présentation de son projet de loi d' « orientation de l'Ecole » une proposition de modification des modalités d’obtention du bac  (ramener d’une douzaine à six les épreuves terminales du diplôme, les autres matières étant validées par un contrôle continu).

Et le processus de ''bruit et de fureur'' s’est fatalement enclenché : vives mises en cause de la part du SNES, le principal syndicat des professeurs y voyant un risque de rupture de l’égalité « avec des baccalauréats dont la valeur dépendrait des lycées fréquentés », suivies par des manifestations puis des grèves de lycéens prenant une grande ampleur et occupant tout l’espace médiatique dévolu aux questions scolaires, et occultant finalement les autres (sans doute pourtant bien plus décisifs ). François Fillon a été vite amené à renoncer.

Dans son « discours sur l'éducation » d'avril 2014, François Fillon revient à la charge. « Je persiste et signe. Je propose de réduire à 4 le nombre d’épreuves en renforçant les exigences de chacune d’entre elles  pour permettre la réussite dans l’enseignement supérieur [...]. Le baccalauréat doit comprendre une épreuve de français passée à la fin de la première début juillet et trois épreuves en terminale portant sur les matières dominantes de la série passées début juillet, afin de rendre au baccalauréat une valeur qu’il n’a plus et de mieux préparer aux études supérieures. Les disciplines ne faisant pas l’objet d’épreuve pourront être notées dans le cadre du contrôle continu »

Jean-Michel Blanquer se prononce du même pas et dans le même sens dans son livre « L'Ecole de la vie » paru chez Odile Jacob en septembre 2014. Faute de singularité, le ministre de l'Education nationale manie les métaphores en soulignant qu'il s'agit non pas simplement de ''simplifier'' le baccalauréat mais aussi de le ''muscler''.

La ''muleta'' d'une mini-réforme est donc désormais déployée. Et l'on en oublierait presque ainsi la macro-réforme macronnienne (qui a un tout autre enjeu, bien plus central mais aussi bien plus épineux) envisagée par le nouveau chef de l'Etat lors de sa campagne présidentielle, si France 2 ne l'avait rappelée dans son Journal d'hier soir : celle de la régulation (par les universités elles-mêmes) des entrées dans les universités. On se souvient des propos d'Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle quant à la « libération » de l’université qui passerait entre autres par la possibilité d’afficher des prérequis à l’entrée de la licence : « Pour une licence en sciences, ces prérequis pourront être des acquis minimaux en mathématiques, en sciences physiques ou en sciences de la vie et de la terre. Un lycéen ne disposant pas de ces prérequis pourra s’inscrire après avoir comblé ses lacunes, par des cours d’été ou par la validation de modules universitaires. »

Décidément, heureusement qu'il y a la presse ( et même France 2) pour les rappels à l'ordre (ministériel et/ou présidentiel) !

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