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Billet de blog 1 août 2016

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Le Tour de France ou la France du Tour...

Chaque année le Tour de France et ses commentateurs nous rappellent de fait que la France est le pays de ''l'histoire-géographie'', de la mémoire d'un sol national.

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Dans « Les Lieux de mémoire » (l'ouvrage dirigé par les historiens Pierre Nora et Mona Ozouf) un chapitre est consacré à la ''Grande Boucle''. Sous la plume de Georges Vigarello, on lit que « Le Tour croise la mémoire d’un sol. La course figure l’imaginaire d’un patrimoine autant qu’elle figure celui d’un trajet sportif». L’historien note également que le circuit inventé par Desgrange reprend la longue tradition des tours de France. Celui du roi, manifestant sa souveraineté et l’unité nationale en visitant ses provinces. Et les tours à vocation pédagogique, reprenant le projet scolaire d’enseigner le pays, dont « le Tour de la France par deux enfants », paru en 1877, est l’exemple type. « Le Tour ajoute à la splendeur de son décor la référence à son passé, poursuit Georges Vigarello. Chaque site devient occasion d’évocation »

Christophe Brun, l'un des historiens majeurs de la géographie en France, note que la géographie a pris dans la deuxième partie du XIX° siècle des formes très différentes d'une nation à l'autre . « Tout dépend en effet de l'importance de la dimension territoriale dans la fabrique des identités nationales alors en pleine structuration . Lorsque le mythe national est surtout fondé sur l'idée de ''peuple'' (le modèle allemand) ou de ''civilisation'' (le modèle britannique), la géographie nationale importe peu. En revanche, lorsque l'identité collective s'enracine dans une certaine histoire idéalisée, la géographie nationale devient un enseignement identitaire. Ce rôle est particulièrement important en France, ce qui explique son couplage avec le ''roman national'' en une discipline commune : ''l'histoire-géo''. Très peu de pays ont fait ce choix. En dehors des Etats influencés par le système scolaire français – en Amérique latine ou en Afrique – il n'y a guère que le Japon où le territoire joue un rôle mythique fort, et où l'on retrouve ce duo ''histoire-géo'' » (« L'Histoire », n° 425-426, juillet 2016).

On notera cependant que le Tour de France s'autorise désormais quelques ''sauts de cabri''(dixit Charles de Gaulle) parmi les pays voisins d'Europe occidentale, hors des limites strictes de ''l'hexagone'' mythique (une expression plus récente que l'on ne pense d'ailleurs, et qui n'appartient nullement au moment fondateur de l'Ecole de la Troisième République, une et indivisible).

Selon Edgar Morin, "la religion de l'Etat-nation est de substance matri-patriotique [...]. Dès lors l'individu trouve le fondement de son identité à la fois dans son environnement familial, régional, et dans la filiation mythologique réelle à la nation. Cette identité, fixée dans une Terre-Mère, se nourrit d'une histoire très riche en infortunes et en gloires, qui procurent des souffrances et jouissances mimétiques surdéterminant l'identification à la Patrie" ( "Penser l'Europe", Gallimard, 1987).

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