Alors qu’une commission du Sénat travaille depuis le début de l’année sur une réforme éventuelle du bac et doit rendre ses conclusions en juin, et que le ministre Xavier Darcos vient de confier au recteur Jean-Paul de Gaudemar «la mission de préparer avec l’ensemble des partenaires concernés l’élaboration d’un nouveau lycée général et technologique» (cadre de travail à préciser le 10 juillet prochain) Nicolas Sarkozy se précipite au mépris ouvert de toute concertation véritable.
Avec un retard de près de trois mois sur la date de commémoration, il n’a tien trouvé de mieux que de convoquer le 12 juin en urgence à l’Elysée le ban et l’arrière ban des hauts responsables de l’Education nationale ( recteurs, anciens recteurs, présidents d’université, inspecteurs généraux, inspecteurs d’académie, ) pour fêter officiellement le bi-centenaire du décret napoléonien du 17 mars 1808 ( qui a créé le baccalauréat moderne, les recteurs et les inspecteurs d’académie ) et qui avait déjà été commémoré dans la discrétion en mars de cette année par le ministère…
Mais il s’agit en fait de célébrer avec éclat une année de pouvoir sarkoziste en matière d’Ecole et de rien moins que de " l’inscrire dans l’histoire de l’éducation ". Fichtre. Il s’agit aussi et surtout de montrer ( et/ou de faire accroire ) que Nicolas Sarkozy est au centre de tout.
Tant pis si le groupe de travail composé de huit sénateurs et présidé par l’UPM Jacques Legendre créé par le Sénat en décembre 2007 et intitulé " A quoi sert le bac ? " doit rendre les résultats de ses travaux courant juin, après avoir entendu beaucoup de monde et de spécialistes de la question ( cf mon billet du 19 mars 2008 : " Le Bac, un bicentenaire problématique " ).
Tant pis si la lettre de mission que le ministre de l’Education nationale Xavier Darcos a envoyée le 29 mai 2008 au recteur Jean-Paul de Gaudemar précise que " après avoir consulté les lycéens, les enseignants, les chefs d’établissement et les parents, Jean-Paul Gaudemar proposera au ministre un premier cadre de travail pour le 10 juillet prochain et lui présentera ensuite, régulièrement, l’état d’avancement de ses travaux ", " afin de préparer, avec l’ensemble des partenaires concernés, l’élaboration du nouveau lycée général et technologique " ( cf mon billet du 14 mai 2008: " Situer la réforme des lycées de Darcos'' ).
Et bien, apparemment, l’essentiel est déjà décidé, et par Nicolas Sarkozy soi-même. Il s’agirait d’arriver à un lycée " plus diversifié, plus modulaire, où les élèves se préparent mieux à l’enseignement supérieur et où ils commencent à se spécialiser ". Qu’on se le dise et qu’on le sache : rien d’essentiel ne peut être fait sans que Nicolas Sarkozy se trouve à l’initiative et à la conclusion. En matière de baccalauréat et de réforme des lycées comme en d’autres.
D’autres tireraient à vue sur tout ce qui bouge ; lui se met en vue à partir de tout ce qui bouge ( et brille ). Cette façon forcenée de vouloir attirer toute lumière sur lui ( quitte à montrer à l’évidence tout le mépris qu’il réserve aux organisations représentatives et à la concertation dans un domaine pourtant particulièrement important, complexe et délicat ) éclaire la nature du personnage : c’est un ‘’trou noir’’, qui infléchit ou absorbe toute lumière et dans lequel on se demande si la seule fin possible est qu’il s’y abîme lui-même.