Comment situer l’injonction de " développer le sentiment d’appartenance à son pays, à l’Union européenne " alors qu’est lancé un débat sur "l’identité nationale"?
Le décret d’application du 11 juillet 2006 de la loi d’orientation ( dite loi Fillon ) relatif au " socle commun de connaissances et de compétences " ( qui doit être maîtrisé par chacun à la fin de la scolarité obligatoire ) précise - quant aux " compétences sociales et civiques " - qu’ " il s’agit aussi de développer le sentiment d’appartenance à son pays, à l’Union européenne, dans le respect dû à la diversité des choix de chacun et de ses options personnelles ".
L’Education nationale a ( ou a eu ? ) une longue pratique pour ce qui concerne le premier sentiment d’appartenance ( au ‘’pays’’ ) puisqu’elle a d’abord et avant tout été créée pour cela. Et cela se décline ( ou s’est surtout décliné ) dans certaines matières plutôt que d’autres : pour faire vite, en histoire et géographie, en littérature et en langue française, voire en arts.
Quid, actuellement et concrètement, de la contribution de l’Education nationale - dans ses programmes ou pratiques effectives - au " développement du sentiment d’appartenance à l’Union européenne " ?
La Communauté européenne est née en 1958, à partir du traité de Rome signé quelques mois plus tôt. A l’origine, il ne s’agit que d’une " communauté économique ". L’éducation est totalement absente du traité de Rome. Cependant, dès 1971, le Conseil des ministres des Etats membres crée un groupe d’experts qui concluent à la nécessité d’une coopération en matière de formation ( professionnelle ). A partir de 1987, toutes les actions de coopération à visée économique sont regroupées dans des " grands programmes d’actions " ( il s’agit des programmes bien connus Erasmus, Comet, Lingua…).
En janvier 1993, à la suite du traité de Maastricht, la Communauté économique se transforme en Union politique. Désormais l’objectif affiché des pays n’est plus seulement d’œuvrer en commun pour le développement de leurs économies, mais aussi de réaliser progressivement une véritable union politique. Dans ces conditions, il n’est plus question de laisser l’éducation en dehors des compétences communautaires. Alors que ce sujet n’avait été évoqué par aucun des traités antérieurs, le traité de Maastricht comporte deux articles qui précisent que la formation professionnelle et la formation générale peuvent donner lieu à une véritable politique de l’Union, sans toutefois que cette politique conduise à déposséder les Etats de leurs compétences propres en la matière.
En proposant la création d’un " espace éducatif européen ", la Commission – suivie par les ministres et le Parlement européen – choisit alors de privilégier toutes les initiatives, linguistiques et culturelles, qui, de l’école à l’université, " contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance à l’Union européenne " selon les propres termes d’Antonio Ruberti, commissaire européen à l’Education et à la Formation ( " Le Monde " du 23 juin 1994 ).
Douze ans plus tard, on l’a vu, le " développement du sentiment d’appartenance à l’Union européenne " est inscrit dans les objectifs du " socle commun de connaissances et de compétences " ( à l’instar de celui du " sentiment d’appartenance au pays " ).
Deux ans plus tard, la question de " l’identité nationale " est mise en exergue. Quid de l’équilibre, de la conjugaison ( ou de l’opposition ) des deux " sentiments d’appartenance " dans les finalités gouvernementales ; et dans les objectifs, les programmes, les pratiques effectives de l’Education nationale ?