En mai 1991, Edith Cresson est nommée Premier ministre par François Mitterrand. Comme le remarque Christine Garin dans « Le Monde » du 23 mai 1991, « Edith Cresson a ouvert le feu dès ses premières déclarations avec un éloge appuyé à l’apprentissage […] Le système allemand d’alternance école-entreprise est présenté avec insistance comme un exemple, sinon un modèle ».
Cette orientation soulève une certaine émotion au sein du Parti socialiste. Le 26 mai 1991, lors de la rencontre nationale du PS destinée à préparer le projet socialiste pour l’éducation et la formation, le Premier secrétaire du PS - Pierre Mauroy – déclare qu’il ne saurait être question de promouvoir un système éducatif qui serait dominé par les objectifs du court terme et de l’emploi. Et Sylvie François, secrétaire nationale à l’éducation et organisatrice de la journée, se livre, devant le nouveau Premier ministre Edith Cresson, à une critique en règle du système de l’apprentissage allemand, dans lequel « l’alternance école-entreprise risque d’être le voile idéologique qui masque la mise en place par certaines entreprises de la précarité, de l’exploitation des jeunes travailleurs et de la division sociale ». Le débat se poursuit à l’occasion de la conférence nationale du secteur « entreprise » du PS, qui a lieu du 31 mai au 2 juin 1991. Pierre Mauroy, le Premier secrétaire du PS, revient notamment à la charge en présence d’Edith Cresson.
Finalement, le Président de la République François Mitterrand intervient publiquement pour arrêter et trancher le débat. Arrivé à Troyes pour un voyage présidentiel le 11 juin 1991, le chef de l’Etat visite ostensiblement un centre d’apprentissage et déclare qu’ « il faut choisir le meilleur modèle pour généraliser l’expérience de l’apprentissage, sans abandonner les raisons pour lesquelles l’école a vu son rôle dessiné au cours de ces dernières années […]. Il ne s’agit pas de substituer le système de l’apprentissage à celui de l’école, mais d’harmoniser les deux pour que chacun apporte le meilleur de ce qu’il peut apporter […]. Le modèle de l’enseignement par alternance doit être développé […]. Il faut renforcer les liens entre l’école et l’entreprise, c’est une des clés pour l’emploi des jeunes ». François Mitterrand assure aussi que « la question n’est pas de savoir si un débat doit être ou non engagé sur l’enseignement par l’alternance : il l’a été par une voix très autorisée, celle du Premier ministre ». Et le Président de la République ajoute que le débat est clos, car la décision a été prise : « C’est l’élément fondamental de la politique industrielle souhaitée par Mme Edith Cresson, que j’encourage dans ses efforts, que je soutiens sans réserve ».
Le ministre de l’Education nationale en titre, Lionel Jospin, était resté quelque peu en retrait dans toute la phase de discussion publique. Lionel Jospin est finalement amené à faire preuve pour le moins de bonne volonté, puisque la décision du développement de l’ « alternance » et de l’apprentissage a été prise de façon ferme et ostensible; mais il semble bien qu’il tente de limiter autant que faire se peut la responsabilité de son ministère de l’Education nationale en cette affaire, et de ne pas forcer le tempo.
C’est ainsi qu’il annonce le 5 juin à l’Assemblée nationale la mise en place d’une « cellule légère de réflexion et d’action » sur le développement de la formation en alternance. Lionel Jospin estimait sans doute qu’il avait déjà fait le maximum tolérable en direction des entreprises dans sa loi d’orientation promulguée le 14 juillet 1989 : l’article 7 affirme le principe de l’ « alternance » pour l’ensemble des formations scolaires, et le rend explicitement obligatoire dans les enseignements conduisant à un diplôme technologique et professionnel. Et cela d’autant plus qu’il avait refusé alors les modifications demandées par le principal syndicat de l’enseignement professionnel ( le SNETAA ), qui témoignaient d’une volonté des enseignants de rester pleinement maître du jeu dans l’orientation des élèves et dans la conduite des périodes de formation en entreprise.
Où en est-on actuellement ? On devrait être fixé jeudi à l’occasion d’un déplacement d’Emmanuel Macron en Charente-Maritime consacré à la réforme des lycées professionnels, indique l’Élysée. Accompagné du ministre de l’Éducation Pap Ndiaye et de Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, le chef de l’Etat visitera le lycée Bernard-Palissy à Saintes. A suivre et à comparer...