La voie romanesque empruntée permet d’entrer dans le concret et les ressentis des uns et des autres. En 2015, il y a eu son rapport d’inspecteur général sur la « Grande pauvreté et réussite scolaire, le choix de la solidarité pour la réussite de tous » ; en 2021, il a publié un récit autobiographique « Exception consolante » (la sienne) et en 2002 un essai politique « L’école n’est pas faite pour les pauvres, pour une école républicaine et fraternelle ». Le roman « Frapper les pauvres » qui met en scène des jeunes de milieu populaire permet de les mettre en avant de façon concrète et sensible, et in fine d’envisager ce qu’ils pourraient faire ensemble .
On perçoit (on ‘’lit’’) les situations concrètes dans lesquelles se retrouvent les trois protagonistes principaux avec leurs regards et leurs réactions.
Dylan et Brandon, deux élèves d’un collège de Clichy sont transplantés en seconde dans un lycée et un internat d’excellence, de l’autre côté du périphérique (le lycée ‘’Clovis’’). Elsa (élève en lycée professionnel et petite amie de Dylan) rend compte du lien maintenu, des réactions des uns et des autres et finalement d’une certaine mise en lutte collective pour le lycée professionnel.
C’est Elsa, passionnée d’histoire, qui explique à ses camarades du lycée professionnel Croizat que nous avons un système éducatif qui fonctionne par « Ordre », pas loin du sens que cela avait sous l’Ancien Régime : « Finalement, aujourd’hui, il y a toujours trois Ordres dans la population comme dans la scolarité des élèves. Dans le 9.3 on est les enfants du Tirers-Etat. A « Clovis », il y a les enfants des nobles. Et il y a toujours un Clergé avec des établissements privés qui prélèvent bien plus que la dîme sur le budget de l’Etat. Est-ce que cela va durer encore longtemps comme cela ? »
Comme le dit Jean-Paul Delahaye à la toute fin de son « Avant-propos » : « cette lutte des classes racontée à hauteur de jeunes des milieux populaires : roman, fable ou utopie ? ». A chacun de répondre.
Mais il met en garde : « Ceux qui vivent dans leur bulle de privilégiés et qui sont insensibles aux difficultés et aux humiliations rencontrées par tous les autres ne voient jamais venir la goutte d’eau qui fait déborder le vase » (in « Le Café pédagogique » du 25 août 2025)
Jean-Paul Delahaye, « Frapper les pauvres », éditions de la librairie du Labyrinthe (www.librairiedulabyrinthe.fr), août 2025, 220 pages, 18 euros.