Rares sont ceux qui ont prêté attention aux propos que Nicolas Sarkozy a tenus sur ‘’le’’ baccalauréat à la fin de son discours de Montpellier, alors qu’ils sont pourtant sans précédent historique.
«Pour que le bac demeure, il faut que l’on s’accorde sur la signification qu’on lui donne. Je le dis comme je le pense, abaisser sans cesse le niveau du bac, c’est le condamner et ouvrir la voie à la sélection à l’entrée à l’université. En le dévalorisant, on n’a rendu service à personne. Le baccalauréat doit être la mesure de la capacité à suivre un enseignement supérieur. Le baccalauréat, pour garder une valeur, doit refléter une exigence plus élevée. Moins d’options, moins d’épreuves facultatives, des notes éliminatoires dans les disciplines fondamentales, plus de place accordée au contrôle continu, un tronc commun plus important pourraient constituer les axes d’une réforme ».
Si les mots ont un sens, cet ensemble de propositions ignore ( voire méprise ) superbement l’existence de trois types de baccalauréats ( ‘’généraux’’, ‘’technologiques’’, ‘’professionnels’’ ) au profit d’un seul ‘’le’’ baccalauréat général.
Doit-on rappeler que les candidats aux baccalauréats de la session de 2011 étaient tout juste pour moitié candidats à l’un des baccalauréats généraux ( 50,2% exactement ), un peu moins du quart candidats à l’un des baccalauréats technologiques ( 23, 6% ) et un peu plus du quart candidats à l’un des baccalauréats professionnels ( 26,2% ) ?
Doit-on rappeler - par exemple - que le nombre de bacheliers généraux entrant en STS ( section de techniciens supérieurs d’une durée de deux ans après l’obtention d’un baccalauréat ) ne représente que 22% des étudiants de ces sections, tandis que le taux des titulaires d’un baccalauréat professionnel dans ces sections de BTS a triplé en dix ans ( passant de 7% à 21% de 1999 à 2009 ), le taux de bacheliers titulaires de l’un des baccalauréats technologiques se taillant la part belle dans ce secteur de l’enseignement supérieur ( 71% en 1999, 57% en 2009 ) ?
Doit-on aussi faire remarquer que l’on ne voit pas comment l’ensemble de ces baccalauréats historiquement construits et spécialisés pourraient faire l’objet d’un « tronc commun important » ( avec « moins d’options » ) ?
Par ailleurs, même pour ce qui ne concernerait que les baccalauréats généraux, l’orientation envisagée par Nicolas Sarkozy est en rupture avec les tentatives anciennes ( privilégiant les ‘’spécialisations’’ ) en vue de réduire la ‘’tension’’ grandissante entre ‘’le’’ baccalauréat en tant qu’examen ( de fait ) de l’enseignement secondaire d’une part, et en tant qu’examen ( de droit ) d’entrée dans le supérieur d’autre part.
On peut citer, par exemple, la tentative envisagée avant les événements de mai 1968 au conseil des ministres du 24 avril 1968 traitant de mesures destinées à « contrôler et normaliser la croissance des effectifs des étudiants : pas de sélection malthusienne, mais orientation, grâce à la diversification des voies » ( il faut savoir que de 1958 à 1967 le pourcentage d’une classe d’âge obtenant un baccalauréat général avait doublé, passant de 10% à 20%. On en est à 35% actuellement, depuis une bonne quinzaine d’année ). « L’inscription automatique interviendra, dans la voie choisie, pour la moitié environ ; ou les deux tiers des bacheliers, soit : ceux qui ont obtenu une mention ; plus ceux qui ont obtenu 12 sur 20 dans les disciplines fondamentales de la voie choisie. Pour les autres, le droit à l’inscription ne sera pas automatique ».
En définitive, si cette fin du discours sur l’éducation tenu à Montpellier a un sens autre que celui d’une simple ‘’posture’’ ( sur ‘’l’effort’’ , l’ ’’exigence’’, mais sans autre engagement qu’un ’’ton’’ ’’volontariste’’ sans conséquences réelles), on entrerait alors dans la voie d’une sélectivité et d’une régression sans précédent.
On peut aussi se demander avec quelque inquiétude rétrospective ce qui serait arrivé au ‘’petit Nicolas’’ si la réforme qu’il propose avait été mise en place avant qu’il ne passe ‘’le’’ baccalauréat, ‘’son’’ baccalauréat en juin 1973 : ses résultats ont été en effet en-dessous de la moyenne à l’issue du premier groupe d’épreuves ( 142 points sur 300, d’où ‘’oral de rattrapage’’) ; et le ‘’petit Nicolas’’ aurait frisé la ‘’correctionnelle’’ avec sa note en mathématiques ( coefficient trois : 8/20 ) et plus encore à l’épreuve écrite de français ( coefficient deux : 7/20 ). Ouf, de peu ! Mais « les notes éliminatoires dans les disciplines fondamentales » d’ « un tronc commun » n’avaient pas encore été inventées…
Billet de blog 5 mars 2012
''Le'' baccalauréat du petit Nicolas
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