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Billet de blog 5 avril 2010

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Des oppositions résolues et inédites dans l'éducation nationale

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On devrait s'inquiéter - y compris à droite - d'une ligne politique qui suscite des oppositions frontales et inédites, au sein de l'Education nationale, dans des milieux professionnels très divers.

A ce sujet, il ne saurait être question de perdre de vue ceux qui ont été appelés un temps les enseignants désobéisseurs'' ( cf ici, sur Médiapart, l'édition intitulée " Enfants d'aujourd'hui, citoyens demain ", à partir du Forum organisé à Montpellier le 27 mars dernier par le " Réseau des enseignants du primaire en résistance " ).

Venant d'un tout autre horizon professionnel, celui de professeurs et d'universitaires de lettres classiques, la position réaffirmée du jury du Capes de lettres classiques vaut d'être citée longuement, car elle est très significative :

DEUXIÈME MOTION DU JURY DE CAPES DE LETTRES CLASSIQUES

Les membres du jury du Capes de Lettres Classiques ont pris connaissance des conditions dans lesquelles le Ministère, par l'intermédiaire de monsieur Santana, a convoqué individuellement Mme S. Luciani, vice-présidente du jury, suite à leur première motion, fruit d'une concertation collective et argumentée, votée à une large majorité, soutenue par la 8ème section du CNU comme par toutes les associations de promotion des humanités classiques, et visant à dénoncer le caractère pernicieux de la réforme mise en oeuvre par l'Arrêté du 28 décembre 2009 fixant les sections et les modalités d'organisation des concours du certificat d'aptitude au professorat du second degré, publié au Journal Officiel du 6 janvier 2010.

Après avoir été informé de la convocation et de la teneur de l'entretien, le jury du Capes de Lettres Classiques tient à affirmer les points suivants :

  1. 1. Exprimer de façon publique et argumentée son opinion sur les réformes en cours est pour tout enseignant un droit, garanti à tous les citoyens par la liberté d'expression ; ce droit relève de la déontologie lorsque l'enseignant fait partie d'un jury habilité à apprécier les connaissances et compétences d'un candidat au métier d'enseignant.

 

2. Les membres d'un jury de concours national d'enseignement, quel que soit leur statut, ne sauraient être tenus pour des exécutants muets du Ministère, mais demeurent, collectivement et individuellement, soucieux de la qualité de la formation et du recrutement des enseignants ; seule cette qualité peut garantir la valeur des enseignements qui seront dispensés par les futurs admis au concours, et l'égalité des conditions d'accès aux connaissances et compétences que tout futur citoyen est en droit d'acquérir dans le cadre de l'école publique. Or c'est cette qualité que la réforme en cours met gravement en péril.

 

3. Les membres du jury de Capes de Lettres Classiques demandent à nouveau instamment l'ouverture de la concertation qui avait été promise par le Ministère comme préalable à la publication des arrêtés, et qui n'a pas eu lieu. Cette concertation doit porter notamment sur le calendrier et les modalités des épreuves écrites et orales du concours, dont ils continuent d'estimer qu'ils ne permettront pas, en l'état des textes, d'évaluer équitablement les candidats. À ce titre, les membres du jury renouvellent les remarques et propositions qui faisaient l'objet de la première motion.

 

4. Tant que les discussions n'auront pas abouti, les membres du jury de Capes de Lettres Classiques ayant approuvé et signé la première motion, forts de leur expérience en matière de recrutement des professeurs de lycées et collèges comme en matière d'enseignement, entendent persister dans leur intention et leur propos, et continueront de faire connaître, au Ministère comme à l'opinion publique, les raisons argumentées de leur opposition ferme à la réforme imposée sans concertation.

Protester de la sorte est à leurs yeux la meilleure façon ‘'d'agir en fonctionnaires de l'Etat de manière éthique et responsable'' souligne la présidente de la Coordination nationale des Associations régionales des enseignants de Langues anciennes, qui soutient leur action.

On citera encore une troisième prise de position au caractère inédit, très récente puisqu'elle date du 2 avril. Elle est aussi très significative, d'autant qu'elle vient également d'un tout autre horizon professionnel : celui des inspecteurs d'académie eux-mêmes !

" Les IA-IPR, acteurs de la 'gestion de la ressource humaine et éducative' dans les académies, expriment de très fortes réserves quant à la pertinence de mesures qui conduiraient à une entrée périlleuse dans un métier difficile pour de jeunes collègues sans expérience ", écrit Robert Prosperini, secrétaire général du syndicat des inspecteurs d'académie (SIA), dans un courrier adressé à Luc Chatel et transmis à la presse vendredi 2 avril 2010. Il souhaite " alerter le ministre sur les conséquences " qu'il pressent " négatives " des " décisions prises actuellement quant à l'affectation, le service et les modalités de formation des futurs professeurs stagiaires "

Le syndicat rappelle avoir déjà alerté le ministre par un courrier daté du 25 janvier 2010 et qu'en guise de réponse, la DGRH du ministère " nous rappelle [par lettre du 26 mars 2010] uniquement les dispositions prises, dispositions que, comme inspecteurs d'académie, nous connaissons et sur lesquelles notre courrier précédent avait précisément pour objet de vous alerter ! " Il évoque un " manque évident de considération à l'égard de cadres supérieurs de votre ministère et de leur niveau d'expertise ".

Le SIA rappelle " l'analyse " qu'il fait de la situation : l'affectation des lauréats du concours sur un poste à temps plein " rendra l'entrée dans le métier bien plus difficile qu'auparavant ". " Une alternance régulière entre théorie et pratique est indispensable pour acquérir les repères professionnels fondamentaux et pour les assimiler de façon durable. Sans cette alternance, la construction d'une base solide de compétences professionnelles sera incertaine et aléatoire, nuisant à la qualité de l'enseignement et à la sérénité professionnelle des jeunes enseignants et faisant courir, à terme, le risque d'une augmentation du nombre de professeurs en difficulté ".

Le SIA se dit " conscient que ces dispositions ont pour but de diminuer la charge budgétaire de l'Éducation nationale pour alléger la dette publique " : " Nous y souscririons si elle n'avait pas d'impact sur la réussite scolaire des élèves et à terme sur leur insertion professionnelle. Finalement, pour des économies à effets immédiats nous engagerions un processus très coûteux pour l'avenir. Nous pensons donc que ce n'est pas sur la formation des enseignants que doit porter dans notre ministère la réforme destinée à optimiser les moyens de l'État. "
Il propose " que les professeurs stagiaires soient affectés sur un temps de service de 12/18e, le tiers restant (6/18e) étant dédié à leur formation en alternance " : " Cette modalité d'affectation est seule susceptible de garantir la continuité pédagogique due aux élèves et la qualité du service public d'éducation, d'apaiser les fortes tensions qui se manifestent de plus en plus dans les établissements scolaires et d'obtenir l'adhésion des professeurs tuteurs pressentis ", conclut-il en demandant instamment un cadrage national prenant en compte son analyse ".

Fermez le ban!

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