J’ai accepté de relayer sur Mediapart une lettre de sociologues de l’éducation connus interpellant non sans pertinence ( mais aussi non sans paradoxe ) le président de la région Midi-Pyrénées précisément en raison de sa politique active d’implantation et de développement de lycées dans l’agglomération toulonnaise. Un ‘’cas d’école’’ ?
Que lui disent-ils ? « Notre système d’éducation ne se porte plus très bien, vous le savez comme nous. Les principes mêmes de l’Ecole Républicaine auxquels nous vous savons comme nous très attachés sont année après année davantage ébranlés. La mixité sociale au sein des établissements est en effet gravement mise en question par des facteurs multiples qui tiennent à l’urbanisation, à la politique actuelle du gouvernement et de certains établissements mais aussi aux stratégies familiales des catégories les plus privilégiées. Or la mixité sociale au sein des établissements, ce n’est pas seulement un principe républicain d’intégration sociale, c’est aussi un moteur pédagogique qui, en réduisant les inégalités de performances des élèves, contribue à élever le niveau de tous. Beaucoup d’études l’ont montré avec clarté. Les enseignants du Lycée Rive-Gauche le savent plus que quiconque pour l’avoir expérimenté sur le terrain. Ils y sont fortement attachés et nous leur apportons tout notre soutien, en tant que sociologues de l’éducation.
Il serait en effet très dommage que la création d’un nouveau lycée vienne bouleverser cet équilibre difficilement conquis et condamne ainsi l’aire géographique concernée à connaître les formes de ségrégation sociale qui prévalent aujourd’hui sur une grande partie du territoire. Les bonnes solutions sont certainement difficiles à trouver mais elles doivent impérativement tenir compte des arguments défendus par les enseignants et les personnels du lycée Rive-Gauche.
Il ne faut pas négliger les effets de découragement et de démoralisation que la création de ce nouveau lycée ne manquerait pas d'avoir sur les enseignants et les autres personnels du lycée Rive-Gauche qui se battent depuis des années pour faire vivre cette mixité sociale, non pas dans les textes, mais bel et bien sur le terrain dans leur travail quotidien.
Certains que ces préoccupations sont aussi les vôtres, nous vous assurons, Monsieur le Président, de nos sentiments respectueux »
Christian Baudelot (Ecole normale supérieure), Stéphane Beaud (Ecole normale supérieure), Choukri Ben Ayed (Université de Limoges), Sylvain Broccolichi (Université d’Artois), Bertrand Geay (Université d’Amiens), Pierre Merle (Université
de Rennes).
A la rentrée 2008, deux nouveaux lycées ont ouvert leurs portes : Gallieni à Toulouse et Fonsourbes dans l’agglomération toulousaine. Le premier, qui avait été détruit lors de l’explosion d’AZF en 2001, renaît avec de nouvelles ambitions. Et, à Fonsourbes, la création d’un nouvel établissement répond à une autre urgence ( à savoir l’augmentation des effectifs dans l’Ouest toulousain ) et permet de désengorger les établissements d’alentour.
En janvier 2010, le président du conseil régional Martin Malvy annonce qu’il demande au recteur « d’engager au plus vite maintenant la concertation avec la communauté éducative du lycée Rive Gauche » où sont actuellement scolarisés de nombreux Tournefeuillais. Uniquement ‘’professionnel’’ jusqu’alors, le lycée ‘’Francoise’’ de Tournefeuilles devrait disposer de filières générales à la rentrée 2012.
« Il est normal qu’une ville de 26000 habitants comme Tournefeuille bénéficie d’un lycée regroupant l’ensemble des filières » se réjouit le maire de la ville, en soulignant qu’ « il faut prendre en compte le fait que Tournefeuilles est une ville à part entière et non un quartier de Toulouse ».
Le président de région Martin Malvy pose au recteur le problème du « maintien de la mixité sociale au lycée Rive Gauche » et rappelle les décisions déjà prises par le rectorat « qui ont permis de faire évoluer sensiblement et positivement les formations dispensées au lycée Rive Gauche » en demandant d’aller plus loin : « elles demeurent néanmoins encore insuffisantes. La perspective de l’orienter vers les arts appliqués et le post-bac constituerait très certainement une piste intéressante. Et elle n’est pas la seule ».
Presque deux ans après, la décision prise en faveur du lycée et de la ville de Tournefeuilles est en voie d’exécution, sans que les professeurs du lycée Rive Gauche aient pu être rassurés quant au maintien d’une réelle mixité sociale dans leur lycée.
Et la création de filières générales au lycée ( professionnel jusqu’alors ) de Tournefeuilles risque effectivement de ‘’siphonner’’ les élèves de milieux relativement favorisés de cette ville contraints jusqu’alors ( dans une sorte de ‘’busing’’ à l’envers ) de poursuivre leurs études dans les filières générales du lycée Rive Gauche situé dans le quartier populaire Le Mirail de Toulouse. Un vrai ‘’cas d’école’’. Décidément, rien n’est simple.
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Billet de blog 5 déc. 2011