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Billet de blog 6 mars 2014

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Le 8 mars: ça va être leur fête!

Alors, allons-y carrément ! Car les évocations du passé peuvent faire sinon du bien, du moins avoir du bon. Attention ! Les rappels qui suivent font plutôt ''mauvais genre''. On va donc commencer par les plus distingués. Et cela ira ensuite crescendo.

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Alors, allons-y carrément ! Car les évocations du passé peuvent faire sinon du bien, du moins avoir du bon. Attention ! Les rappels qui suivent font plutôt ''mauvais genre''. On va donc commencer par les plus distingués. Et cela ira ensuite crescendo.

Rapport de Talleyrand devant l’Assemblée nationale en septembre 1791: « Une moitié du genre humain exclue par l’autre de toute participation au gouvernement […], ne serait-ce pas un phénomène qu’il paraît impossible d’expliquer ? Cependant, il y a un ordre d’idée dans lequel la question change et peut se résoudre facilement. Le but de toutes les institutions doit être le bonheur du plus grand nombre. Si l’exclusion des emplois publics prononcée contre les femmes est pour les deux sexes un moyen d’augmenter la somme de leur bonheur mutuel […], il nous semble incontestable que le bonheur commun - surtout celui des femmes - demande qu’elles n’aspirent point à l’exercice des droits et des fonctions publiques.Qu’on cherche ici leur intérêt dans le vœu de la nature. N’est-il pas sensible que leur constitution délicate, leurs inclinaisons paisibles, les devoirs nombreux de la maternité, les éloignent constamment des habitudes fortes, des devoirs pénibles, et les appellent à des occupations douces, à des soins intérieurs ? Tenons-nous en là ».

Auguste Comte, le père du positivisme et le principal maître à penser de Jules Ferry, reconnaît aux femmes des « instincts sympathiques » plus développés que ceux des hommes. Les femmes seraient donc plus disposées que les hommes à être sensibles aux autres ( sym-pathos ) et plus enclines à surmonter les préoccupations individualistes voire égoïstes. C’est précisément ce qui est développé avec une très grande clarté par Jules Ferry lui-même dès son intervention à la Conférence Molé, en 1858 : « Tempérer l’égoïsme, voilà la fonction de la femme au point de vue social le plus élevé. Mais pour l’exercer il faut qu’elle reste elle-même, c’est-à-dire qu’elle se tienne à l’écart de la vie active qui gâte le cœur, qui exalte la personnalité […]. Il faut donc qu’elle n’aitpart ni aux fonctions de production, ni aux fonctions de direction ».

 « Le Mémorial d'Amiens » du 26 juillet 1883. Cela commence plutôt bien car ce journal souligne d'abord que les instituteurs américains -qui admettent depuis longtemps les deux sexes en même temps dans leurs écoles – ont reconnu que les jeunes filles sont meilleures écolières, plus dociles et plus attentives que les garçons, plus intelligentes mêmes. Mais c'est pour mieux faire valoir ensuite que « les Américains nous ont appris aussi qu'à partir de 16 ans la proportion change brusquement. La jeune fille revêt alors des qualités très brillantes, mais d'un ordre non scientifique ; et l'inaptitude de la femme aux études théoriques saute aux yeux. Ce qui montre d'ailleurs l'inaptitude des femmes aux études théoriques, c'est qu'on ne les a jamais vues se diriger vers celles qui leur ont toujours été permises : on ne voit pas de femmes mathématiciennes, ni chimistes, ni même grammairienne ou compositrices de musique. Il y a juste assez d'exceptions pour confirmer la règle ; les femmes savantes sont des exceptions, comme les femmes à barbe, mais plus rares ».

Dans le même temps, le Révérend Père Lacouture utilise spontanément contre Darwin l'argument choc suivant pour ''démontrer'' que l'homme n'a pas pour ascendant le singe: "l'angle facial, ce signe caractéristique des êtres supérieurs, ne descend pas au-dessous de 64 degrés, même chez les femmes".

 Florilège des arguments avancés par les sénateurs qui s’opposèrent au droit de vote des femmes tout au long de l’entre-deux-guerres.

 « 1) La place de la femme est dans son foyer ; son émergence dans la vie politique menacerait dangereusement la famille . 2) Si on accorde le droit de vote aux femmes, il faudrait l’accorder aux prostituées. 3) Le fossé qui sépare la femme de l’homme tant dans le domaine de l’intelligence que de l’éducation interdit leur égalité politique et civique. 4) Si les femmes ont été déclarées incapables par le Code civil lui-même, c'est bien parce qu'elles ont besoin d'être protégées;  cette protection n’implique aucune supériorité ni infériorité par rapport à l’homme, mais simplement une différence . 5) Si les femmes jouissent du droit de vote, elles ne pourront qu’exercer une influence délétère sur l’élection, d’abord en favorisant les extrémistes, ensuite en inoculant leurs propres idées à l’électorat masculin qu’elles finiront par rendre totalement efféminé ». 

 Certains diront sans doute que tout cela appartient désormais à un passé dépassé. Mais est-ce si sûr ? ''Nature'', quand tu nous tiens...

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