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Billet de blog 6 juillet 2009

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Le concours général : quelle histoire!

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Luc Chatel vient d'affirmer tout de go que le concours général a contribué à "faire de la France un Etat hors norme''.

Et le nouveau ministre de l'Education nationale n'a pas craint de soutenir, à la fois, que le concours général est " un symbole magnifique de la pérennité de notre système éducatif par-delà les siècles ", et " un élément clé de cette méritocratie républicaine qui tient tant à cœur au président de la République ".

Qu’est-il donc au juste ? Est-ce une création d’Ancien Régime ? Est-ce un concours emblématique de la République ? Est-ce le résultat d’une résurrection, puis d’une généralisation dans les moments forts ‘’bonapartistes’’ ?

Le plus significatif ( et le plus énigmatique ) se trouve en tout cas en conclusion du discours de Luc Chatel à la remise des prix à la Sorbonne le 3 juillet lorsqu’il a dit ( après avoir admiré la " sélectivité " des différents concours : 154 lauréats pour 14874 candidats ) que le concours général a contribué à " faire de la France un Etat hors norme ".

Le concours général a été fondé à partir des dispositions testamentaires d’un chanoine de Notre-Dame, l’abbé Le Gendre, et réservé initialement aux collèges de l’université de Paris. La première distributions des prix eut lieu le 23 août 1747, en présence du Parlement de Paris, sous la présidence de Maupeou, futur chancelier.

Le concours général est supprimé sous la première République, par la Convention, en 1793.

Le concours général est rétabli en 1803 ( sous Napoléon Bonaparte, premier Consul ), pour les seuls lycées de Paris ( qui viennent d’être créés par le même, en 1802 ). Il est étendu en 1864 à l’ensemble de la France par Victor Duruy - ministre de l’Instruction publique de Napoléon III - sous la forme d’un concours à deux étages : les Académies organisent chacune leur propre concours ( dit ‘’concours académique’’ ) suivi d’un Concours Général des départements entre les lauréats des concours académiques ( les académies de Paris et de Versailles gardant leur propre Concours Général ).

La troisième République ne supprime pas d’emblée le Concours Général ( même si elle supprime, en 1880, les ‘’concours académiques’’ ). Le Concours général des départements est dans un premier temps maintenu ( ainsi que les deux concours de Paris et Versailles ).

Mais, en 1904, le Concours Général est totalement supprimé, à la suite de polémiques qui portent essentiellement sur le fait qu’il serait devenu difficile à organiser à la suite de la réforme de 1902 ( qui reconnaît pour la première fois la pleine dignité d’un enseignement secondaire moderne - avec ses disciplines ad hoc- aux côtés de l’enseignement secondaire classique ), et qu’il est considéré par certains comme une gêne dans la préparation du baccalauréat ( la préparation intensive des élèves candidats au concours pouvant se faire au détriment des autres élèves ).

Le ministre de l’Instruction publique d’un gouvernement de la Chambre bleue horizon, Léon Bérard ( très attaché au secondaire classique et hostile au secondaire moderne ), rétablit en 1921 le Concours Général ( qui est dès lors limité aux classes de premières et terminales, et prend sa forme nationale actuelle, en 1923, par abolition de la distinction entre Paris et la province ).

L’association des Lauréats du Concours Général - fondée en 1922 lors du rétablissement du Concours Général après la Première Guerre mondiale - a joué un rôle de premier plan dans le maintien du concours, lorsque sa suppression fut une deuxième fois envisagée, au début des années 1970.

On le voit, il est difficile de prétendre que le Concours Général est historiquement emblématique de la République.

On remarquera aussi qu’il est d’abord – historiquement – un phénomène parisien ( lié aux grands établissements de Paris ), tout empreint d’une distinction culturelle mettant au premier plan les ‘’humanités classiques’’.

Le discours latin demeurera jusqu’en 1880 l’épreuve reine. A la rhétorique initiale (discours en français et en latin, pièce de vers latin, version de grec en français) s’ajouteront peu à peu d’autres matières comme les mathématiques dès 1803, la physique, la chimie et l’histoire naturelle en 1830 ou les langues vivantes en 1865 ( non sans mal, car certains qualifieront leurs prix de " prix des bonnes " par allusion aux gouvernantes étrangères chargées dans les familles aisées de leur enseignement ). Il faudra attendre 1981 pour que certaines disciplines technologiques soient introduites, et 1995 pour les métiers du baccalauréat professionnel.

Finalement, qu’est-ce qu’a voulu dire le ministre de l’Education nationale Luc Chatel en affirmant que le Concours Général a contribué à " faire de la France un Etat hors norme " ? Un pays qui se caractérise par sa prédilection pour les concours ? Un pays de l’excellence dans la distinction ? Un pays – pour ceux qui le prennent en mauvaise part – de " bêtes à concours " ?

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