Juste avant de se donner un autre nom («Les républicains»'), les barons d'Ancien Régime de l'UMP ont lancé une pétition pour réclamer le « retrait de la réforme du collège », au nom des principes fondateurs de l'Ecole républicaine qu'ils ignorent en réalité avec la superbe qui les caractérise.
« Derrière les mots, il y a toujours la même vieille idée du pédagogisme qui a tant échoué: l’élève construit son propre savoir, l’élève doit valider des compétences et non acquérir des savoirs fondamentaux […]. Nous pensons, à la différence du projet de Mme Vallaud Belkacem, que le meilleur tremplin vers la citoyenneté, c’est d’abord savoir lire, écrire et compter, connaître son pays et son histoire. En oubliant les principes républicains qui fondent notre école, le projet de la ministre ne peut être qu’un échec »''
Lire, écrire, compter'' : une devise républicaine ?
Contrairement à ce que l'on croit souvent, cet horizon est tout à fait éloigné de l'ambition du fondateur le plus éminent de l'école républicaine, à savoir Jules Ferry ; et de ce qui peut faire la différence entre une école ''républicaine'' et une école d'''Ancien Régime''. Il suffit pour s'en convaincre de prendre connaissance de ce que Jules Ferry a souligné lui-même au congrès des instituteurs et institutrices de France du 19 avril 1881.
« C’est autour du problème de la constitution d’un enseignement vraiment éducateur que tous les efforts du ministère de l’Instruction publique se sont portés […]. C’est cette préoccupation dominante qui explique, rallie, harmonise un très grand nombre de mesures qui […] lorsqu’on n’en a pas la clef pourraient donner prétexte à des reproches d’excès dans les nouveaux programmes, d’accessoires exagérés, d’études très variées : tous ces accessoires auxquels nous attachons tant de prix, que nous groupons autour de l’enseignement fondamental et traditionnel du ‘’lire, écrire, compter’’ (les leçons de choses, l’enseignement du dessin, les notions d’histoire naturelle, les musées scolaires, la gymnastique, le travail manuel, la musique chorale...). Pourquoi tous ces accessoires ? Parce qu’ils sont à nos yeux la chose principale, parce qu'en eux réside la vertu éducative, parce que ces accessoires feront de l’école primaire une école d’éducation libérale. Telle est la grande distinction, la grande ligne de séparation entre l’ancien régime, le régime traditionnel, et le nouveau ».
« Pédagogisme'', ''transmission des règles », « ennui » ?
Jules Ferry, au Congrès pédagogique des inspecteurs primaire du 2 avril 1880 : « Nous voulons des éducateurs ! Est-ce là être trop ambitieux ? Non. Et je n’en veux pour preuve que la direction actuelle de la pédagogie, que les méthodes nouvelles qui ont pris tant de développement, ces méthodes qui consistent, non plus à dicter comme un arrêt la règle à l’enfant, mais à la lui faire trouver ; qui se proposent avant tout d’exciter la spontanéité de l’enfant, pour en diriger le développement normal au lieu de l’emprisonner dans des règles toutes faites auxquelles il n’entend rien, au lieu de l’enfermer dans des formules dont il ne retire que de l’ennui »
Le ''roman national'' a certes concerné tout particulièrement l'école communale, mais n'a jamais été central pour l'enseignement secondaire et donc le collège...
Tout le monde doit se souvenir que les livres d'histoire de la classe de sixième traitaient – eux - de l'Antiquité (à savoir pour l'essentiel de l'Egypte, de la Grèce et de l'Asie mineure, puis de l'Empire romain).
Les programmes d'histoire de 1890 pour les classes de la troisième à la terminale de l'enseignement secondaire sont intitulés « Histoire de l'Europe et de la France » (ceux de la sixième à la quatrième étant consacrées à'' l'histoire ancienne'').
Si l'on ne retrouve pas le terme « Europe » dans les titres des programmes d'histoire de 1902 pour le secondaire, l'étude des pays européens y est bien présente. Encore plus significatif, certaines questions permettent même d'aborder l'Europe de façon globale : la Renaissance en quatrième et en seconde (classe où l'on étudie aussi la civilisation européenne au Moyen Age et le mouvement intellectuel en Europe au XVII° siècle) ; l'expansion européenne et les transformations de l'industrie et du commerce au XIX° siècle en troisième et en classes terminales (classes où l'on étudie aussi les caractères généraux de la civilisation européenne).
« Alors, encore un effort pour être républicains » !