Il y a eu déjà dans le passé une simplification des épreuves du baccalauréat que l'on aurait bien tort de perdre de vue ou de minimiser dans la situation que nous vivons actuellement.
De 1959 à 1969, le pourcentage d'une classe d'âge obtenant un baccalauréat passe de 10% à 20%. Ce taux de croissance sans équivalent a été accompagné d'une très forte simplification des épreuves du baccalauréat, elle aussi sans équivalent. Il est vrai que l'organisation du baccalauréat était devenue très lourde au fil des années.
Au cours du XIXe siècle, de nouvelles matières avaient été intégrées aux épreuves du baccalauréat en sus du noyau dur initial de lettres classiques pour le baccalauréat ès lettres par exemple, tant et si bien que l'on va le dédoubler et qu'il va se passer à la fois en première et terminale à partir de 1874 (à partir de 1890 pour celui de sciences). En 1927, on n'hésite pas à mettre en place en sus deux sessions : une en juin ; et une en septembre, avec les mêmes épreuves écrites et les mêmes épreuves orales...
Dès le début de la décennie gaullienne, le processus de simplification des épreuves du baccalauréat –général, il n'y en a pas d'autres alors – s'enclenche.
En 1959, on supprime les oraux, sauf pour les langues vivantes. En 1960, on supprime la seconde session de rattrapage, mais on la remplace par un oral de rattrapage. En 1969, fin du baccalauréat en deux temps : ne subsiste en première qu'une épreuve de français « par anticipation ». Et cette configuration, finalement déjà fort simplifiée, a prévalu jusqu'en 2019.
Dans son interview parue dans L'Etudiant le 30 mars 2017, Emmanuel Macron avait été très clair : « Nous faisons confiance au contrôle continu et au jugement des professeurs pour l'entrée dans les formations sélectives (écoles préparatoires aux grandes écoles, sections de techniciens supérieurs, IUT, écoles post-bacs). Pourquoi en seraient-ils incapables pour le baccalauréat? [...] Je souhaite donc simplifier le baccalauréat. Quatre matières seront passées en contrôle terminal, les autres seront validées en contrôle continu ».
Mais dans un premier temps, ce n'est pas ce qui a été annoncé en février 2018 par le ministre de l'Education nationale lors de la mise en place de la réforme du baccalauréat.
Cinq épreuves terminales (le français en fin de classe de première, deux épreuves de spécialité au printemps, un ''oral'' et la philosophie en fin de terminale) comptant pour 60%. Plus 10 % de ''vrai contrôle continu'' (prise en compte des notes ''ordinaires'', comme dans les dossiers de candidatures aux formations post-bacs recherchées). Plus 30 % de ''faux contrôle continu'' reposant sur des ''partiels'' ad hoc en première et terminale (pouvant avoir lieu en janvier et en avril pour la première, et en décembre pour la terminale).
La ''simplification'' demandée et proclamée par le chef de l'Etat s'est soldée par un étalement et une prolifération des moments possibles de ''bachotage'', une ''simplification ultra-compliquée'' qui ne pouvait tenir longtemps.
Et Jean-Michel Blanquer vient de décider d'appliquer la simplification annoncée par Emmanuel Macron lors de la campagne de l'élection présidentielle en ne proposant que du ''vrai contrôle continu'' (à hauteur de 40% de l'examen).
Il lui est reproché que la prise en compte du ''contrôle continu'' affecte de façon intolérable l'équité de l'examen et son caractère national.
On peut cependant noter que les diplômes d'Etat universitaires ( licences, masters) sont évalués entièrement par les propres professeurs des étudiants, dans leurs établissements, sans que l'on trouve à y redire . La crainte de pressions sur la notation des professeurs est aussi évoquée. On peut cependant remarquer qu'environ 20% de chaque classe d'âge est écartée de la possibilité de passer le baccalauréat à partir des simples évaluations de leurs propres professeurs, au cours de leurs ''orientations''. Sans que l'on y trouve non plus à redire et que l'on craigne grand chose.
A vrai dire, tout compte fait, c'est sans doute la disparition à terme du baccalauréat qui est le plus redouté et qui fait vraiment question A ce sujet, il y a déjà eu en quelque sorte un précédent.
En 1962, la première partie du baccalauréat a été transformée en « examen probatoire » organisé au sein de chaque établissement. La décision a été prise alors que Michel Debré était Premier ministre. Mais la Société des agrégés fait courir la rumeur que les examinateurs ont eu tendance à faire preuve d'une bienveillance coupable pour leurs élèves (ce qui est d'ailleurs infirmé si l'on prend connaissance des taux de reçus, qui ont diminué en réalité légèrement).
Toujours est-il que la suppression de l'examen « probatoire » est décidée en 1964 (Michel Debré ayant été remplacé au poste de Premier ministre par l'agrégé de lettres classiques Georges Pompidou).
Or il faut savoir qu'en novembre 1950, le Conseil de la République s'était réuni pour discuter d'une proposition de Michel Debré « tendant à inviter le gouvernement à supprimer ou à réformer le baccalauréat » (selon L'Éducation nationale du 9 novembre 1950) : « Afin de consacrer la fin des études du second degré, un certificat (dit de fin d'études secondaires) serait instauré [...] Il serait délivré dans chaque établissement public d'enseignement du second degré, par un jury particulier à l'établissement, mais présidé par un représentant du recteur. Ce certificat serait accordé ou refusé au vu des notes obtenues en cours d'année, sous réserve de certaines épreuves, pour les élèves dont les notes seraient insuffisantes. »
Ce projet de « certificat de fin d'études secondaires » n'aboutit pas, le président de la Commission de l'Éducation nationale arguant que la proposition de Michel Debré lui paraissait aller à l'encontre du statut de 17 mars 1808 qui avait donné aux seules facultés le droit de conférer des grades d'État : « Or le baccalauréat est un grade d'État qui perdrait de sa valeur s'il était conféré par les établissements d'enseignement secondaire. »
Mais en reparle ici ou là à nouveau d'un « certificat de fin d'études secondaires ». Et dans le Figaro du 30 juin , Jean-Robert Pitte a salué la nouvelle mouture de la réforme du baccalauréat en n'hésitant pas à dire : « un rite qui n'a plus de sens va disparaître à terme... et tant mieux ».
C'est sans doute la vraie question.
PS: Pour en savoir plus, voir « L école d'aujourd'hui à la lumière de l'histoire » paru en mars 2021 aux éditions Odile Jacob ( pages 208 à 246).