Dans le livre que j'ai écrit en 2001 avec mon épouse (alors déléguée régionale aux Droits des femmes en Picardie) à partir de l'analyse des manuels d'histoire en usage dans l'enseignement primaire durant le XXe siècle ( « L'histoire des femmes publiques contée aux enfants », PUF), nous avons raconté longuement quelle a été la représentation dans ces livres de Jeanne d'Arc comme ''sainte'' et comme ''étendard nationaliste'' (une représentation qui a marqué durablement les esprits...).
Mais nous avons aussi mis en bonne place (en contrepoint, page 112) l'interpellation de Michèle Sarde : « Le XIXe siècle, qui fit de Jeanne d'Arc une sainte, ne voulut plus se souvenir de l'insoumise, de la vierge travestie en soldat, de sa libre parole de femme qui, face à ses juges, les prêtres, la hiérarchie masculine, puisait son courage dans les voix de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Il ne voulut plus voir en elle que l'image cocardière de l'héroïne nationale, martyre de la France […]. Or, la petite paysanne, devenue chef d'armée, a usurpé non seulement l'habit, c'est à dire le signe de la masculinité, mais aussi un autre attribut des clercs et des universitaires mâles, la parole. La prise de parole de Jeanne tient du miracle […]. Car ce n'est pas Jeanne qui parle, quand elle parle, ce sont ses voix, des voix féminines qui se sont progressivement installées en elle, voix de sainte Catherine et de sainte Marguerite supplantant celle de saint Michel, apparu le premier […]. Le procès de Jeanne a sa dimension féministe et Jeanne, symbole de la France résistante, pourrait occuper une place jusqu'ici négligée dans l'histoire de la Française combattant pour le droit des femmes » ( « Regard sur les Françaises », Stock, 1983, pages 301,296,294).
Emmanuel Macron, porté par son histoire personnelle, peut-il emprunter cette voie là ? Eh bien non, semble-t-il. Le ''miracle'' de la reconnaissance de Jeanne d'Arc comme ''héroïne féministe'' n'a pas eu lieu en ces 587° Fêtes de Jeanne d'Arc à Orléans. "De l'audace, encore de l'audace, et la France est sauvée" disait pourtant l'Autre.