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Billet de blog 8 juillet 2013

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Remarquables «discrétions» présidentielles

La ''discrétion'' de François Hollande a été quasi totale durant toute la gestation et la discussion parlementaire de la « loi de refondation de l'Ecole » qui vient d'être votée.

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La ''discrétion'' de François Hollande a été quasi totale durant toute la gestation et la discussion parlementaire de la « loi de refondation de l'Ecole » qui vient d'être votée.

Il en a été de même pour François Mitterrand à propos de la loi d'orientation dite ''Jospin'' promulguée le 14 juillet 1989. Il est tout à fait significatif que dans le livre que j'ai écrit avec Christian Nique ( qui était alors le conseiller spécial de François Mitterrand pour les questions scolaires à l'Elysée ), à savoir « l'Ecole des présidents ; de Charles de Gaulle à François Mitterrand », Christian Nique n'a consacré que quelques lignes à loi d'orientation ''Jospin'' sur les 130 pages qu'il a écrites sur François Mitterrand : « Lionel Jospin prépare une loi d'orientation, qui est promulguée le 14 juillet 1989, et dont l'article premier mentionne que ''l'éducation est la première priorité nationale''. C'est la première fois que cette expression est introduite dans une loi de la République ». Et c'est tout...

Cette ''discrétion'' des deux présidents de la République issus du PS contraste avec l'attitude des deux ''monstres sacrés'' des débuts de la cinquième République à propos de leurs lois scolaires emblématiques, la loi ''Debré'' pour Charles de Gaulle et la loi ''Haby'' pour Valéry Giscard d'Estaing.

Lorsque le projet de réforme présenté par le ministre René Haby est attaqué de toutes parts, le porte-parole de la présidence déclare le 19 mars 1975 que les grandes orientations adoptées par le conseil des ministres du 12 février ne sont pas l'apanage du seul ministre de l'Education , car « c'est un projet du Chef de l'Etat ». Par ailleurs le président de la République Valéry Giscard d'Estaing souhaite publiquement ( sur « Antenne II », le 8 juin 1977 ) que l'on appelle la réforme en cours « la réforme du collège unique, au lieu de lui donner le nom de tel ou tel ministre de l'Education »...

De fait, le rôle personnel décisif de VGE ne s'arrête pas seulement à l'institution du collège unique, puisqu'il a participé de façon directe - plume à la main – à l'élaboration et à la rédaction aussi bien du descriptif initial que du projet de loi. C'est le président de la République qui a tranché en faveur du maintien de deux catégories de professeurs dans les collèges ( PEGC et certifiés ) ; c'est lui qui a tenu à préciser, de sa propre main, que les diplômes professionnels  « conduisent éventuellement à une formation supérieure » ( article 5 du projet définitif ) ; c'est lui qui a choisi de rétablir l'enseignement de la philosophie en terminale ; c'est lui encore qui a décidé d'introduire des enseignements de soutien dès l'école primaire et de renoncer aux enseignements d'approfondissement.

Quant à la loi dite « Debré » du 31 décembre 1959, ce n'est pas à l'évidence celle du ministre de l'Education nationale ( André Boulloche ) qui démissionne quelques jours auparavant car il n'admet pas ''l'arbitrage'' qui a été rendu par le président de la République Charles de Gaulle. C'est donc le Premier ministre ( Michel Debré ) qui est chargé de présenter et de défendre à l'Assemblée nationale le projet de loi.

Les ministres démocrates-chrétiens issus du MRP veulent que dans la rédaction de l'article premier, le respect par l'Etat de la liberté de l'enseignement soit proclamé avant que ne soient mentionnés les contrats qui impliquent un contrôle étatique ; ils veulent également que l'obligation faite à l'enseignement privé conventionné d'un « respect total de la liberté de conscience » soit accompagné, dans la même phrase, d'une confirmation de son « caractère propre ».

Le président de la République décide de l'ordre des éléments de l'article premier et le rédige de sa main : « l'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect de la liberté de conscience ; tous les enfants, sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance y ont accès  ».

Les ministres du gouvernement étaient divisés, les uns soutenant le ministre André Boulloche hostile aux priorités des ministres démocrates-chrétiens ; d'autres soutenaient ces derniers ; enfin certains considéraient qu'il était préférable d'attendre... Mais l'intervention du président de la République Charles de Gaulle lors du conseil des ministres du 22 décembre 1959 ( très animé) est décisive : « Si le gouvernement ne peut se mettre d'accord, il faut en changer ; si le Parlement n'accepte pas une situation de bon sens, il faudra la dissoudre ; si la Constitution ne permet pas d'aboutir, il faudra la modifie». Les divisions de la droite s'estompent comme par miracle, et la loi ''Debré'' est votée.

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