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Billet de blog 8 septembre 2022

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Rebondissement dans la saga de l'éducation contre les stéréotypes de genre ?

Hier, France Inter a annoncé que « le gouvernement compte lancer dès octobre plusieurs actions de lutte contre les stéréotypes de genre dans le milieu scolaire ». Cela doit être apprécié à l'aune de l'histoire tourmentée de ces tentatives lors de la dernière décennie

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Selon les informations de France Inter, le ministère de l'Education nationale et celui chargé de l'Egalité entre les hommes et les femmes comptent renforcer la lutte contre les stéréotypes de genre à l'Ecole. « Les garçons sont trop souvent élevés dans un idéal de force, de virilité, quand on a encore tendance à associer les filles à la douceur et à la soumission » décrypte un conseiller ministériel en charge de faire bouger les lignes

En février 2013 – il y a déjà une dizaine d'années ! - une convention interministérielle décide de la mise en place d' « un programme ''ABCD de l'égalité'' qui s'adresse à l'ensemble des élèves de la grande section de maternelle au CM2 et à leurs enseignants, et vise à déconstruire des stéréotypes de genre » (elle était notamment signée par le ministre de l'Education nationale Vincent Peillon et par la ministre au Droit des femmes Najat Vallaud-Belkacem)

Il était aussi d'ores et déjà dûment prévu dans cette convention interministérielle (compte tenu en particulier du peu de progrès, en trente ans, dans les manuels scolaires quant aux stéréotypes véhiculés) qu' « une documentation pédagogique, coproduite par le ministère du Droit des femmes et le ministère de l'Education nationale sera mise à la disposition des enseignants sous forme physique et numérique ».

Il était aussi d'ores et déjà projeté (et c'était aussi indéniablement une nouveauté), « une formation à l'égalité pour les enseignants : un module spécifique ''lutte contre les stéréotypes de genre dans les pratiques professionnelles'' sera prévu dans le cahier des charges des futures écoles supérieures du professorat et de l'éducation ». Et la formation continue n'était d'ores et déjà pas oubliée : « cette thématique sera également déclinée dans la formation continue de l'ensemble des personnels de l'Education nationale […]. Des outils de formation en ligne seront établis et mis à disposition sur les sites disciplinaires et généralistes du MEN »

Las, trois fois hélas ! Face à la mobilisation dans la rue contre notamment le « mariage pour tous » et ses corollaires, et face aux appels en janvier 2014 à des journées de « retrait de l'école », le gouvernement nommé en avril 2014 avec à sa tête le Premier ministre Manuel Valls (soi-disant héraut de la laïcité pour une partie de la presse) met ''la pédale douce''. Et le ministre de l'Education nationale Benoît Hamon (qui a succédé à Vincent Peillon) met en musique cette nouvelle orientation.

Le « Rapport relatif à l'éducation à la sexualité » du Haut Conseil à l'égalité paru en juin 2016  indique: «  L’impulsion donnée fin 2012/début 2013 sur l’éducation à l’égalité est de courte durée, freinée par les mobilisations réactionnaires contre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe dans un premier temps, puis contre la sensibilisation à l’égalité filles-garçons et l’éducation à la sexualité [...]. Les mots d’ordres sont divers et rejettent la déconstruction des stéréotypes sexistes et de l’hétéronormativité […] Le 25 juin 2014, quelques jours avant la publication du rapport d'évaluation produit par l’IGEN, Benoît Hamon annonce que les ABCD de l’égalité seront remplacés par un plan d'action pour l'égalité filles-garçons à l'école. Ce revirement est vécu comme un recul, aussi bien par les syndicats d’enseignant.e.s et de lycéen.ne.s que par les associations de terrain, qui vient délégitimer le rôle de l’école sur cette question »

En novembre 2017, le défenseur des droits, Jacques Toubon, s'exprime pour la première fois sur la question des comportements sexistes et des violences faites aux femmes dans le cadre de son rapport annuel remis au président de la République. Coécrit avec la Défenseure des enfants Geneviève Avenard, le texte remis insiste sur le rôle de l'Ecole pour lutter contre les comportements sexistes. Il met en lumière en particulier que les trois séances annuelles d'éducation à la sexualité prévues par la loi de 2001 qui doivent contribuer à l'apprentissage du « respect dû au corps humain » et présenter une « vision égalitaire » des relations hommes-femmes   ne sont pas mises en œuvre de façon satisfaisante, tant s'en faut

Rien de concret  et de notable n'a pu être noté de la part du ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer en l'occurrence (lui aussi pourtant soi-disant héraut de la laïcité selon une partie de la presse) durant le dernier quinquennat : « grand diseux, petit faiseux », comme on dit en Picardie.

Les trajectoires et les personnalités du nouveau ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse Pap Ndiaye et de la nouvelle ministre déléguée à l'Egalité entre les hommes et les femmes Isabelle Rome laissent augurer qu'il pourrait en être désormais autrement. Mais l'histoire tourmentée des luttes contre les stéréotypes de genre à l'Ecole montre que ce n'est ni facile ni certain.

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