Texte d'application (de la loi adoptée par le Sénat et la Chambre des députés) signé par le Président de la République Albert Lebrun et le ministre de l'Education nationale Jean Zay le 9 août 1936 :
Art. 1.- Le début de l'article 4 de la loi du 28 mars 1882 est modifié comme suit : « L'instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, âgés de 6 à 14 ans révolus » (le reste sans changement).
Art. 2. - L'article 2 du livre II du code du travail sera désormais rédigé comme suit :
« Les enfants ne peuvent être employés ni être admis dans les établissements commerciaux ou industriels avant l'âge de 14 ans. Cette disposition est applicable aux enfants placés en apprentissage dans un de ces établissements.
Sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi, notamment les articles 3 et 88 du livre II du code du travail visant l'admission au travail des enfants âgés de moins de 13 ans et de plus de 12 ans, munis du certificat d'études primaires institué par la loi du 28 mars 1882 »
Cette loi du 9 août 1936 est instituée dans un cadre particulier, celui de la crise économique qui a commencé aux Etats Unis en 1929 et qui a gagné un peu plus tard d'autres pays dont la France (avec pour corollaire des difficultés d'accès à l'emploi qui ne sont sans doute pas étrangères aux prolongations de scolarité que l'on constate dans les années qui précédent.).
J'ai pu établir pour le département de la Somme (par exemple) que la partie de la classe d'âge (de 13 ans révolus à 14 ans révolus) scolarisée à l'école primaire passe de 12% en 1932 à 23% en 1933, puis à 43% en 1934, et enfin à 55% en 1935.
Une nouvelle classe – la ''classe de fin d'études'' – est créée. Le tout jeune ministre de l'Education nationale Jean Zay ( il a 32 ans ) précise que « cette classe ne saurait à aucun degré être considérée comme un refuge pour les enfants incapables de faire autre chose ; elle recevra beaucoup d'excellents élèves qui, pour des raisons variées, ne chercheront pas leur place dans le second degré. La classe finale de la scolarité est faite pour le grand nombre ; et dans ce grand nombre il se trouve une quantité de sujets d'une très bonne qualité intellectuelle ».
On perçoit là le fait que les représentations de la ''démocratisation'' (dans et par l'école) ont une histoire évolutive (et que la vision toute simple d'un rôle d''''ascenseur social'' consubstantiel à l'''école républicaine'' est pour le moins contestable). Jean Zay fait partie indéniablement des progressistes de son époque qui pensent que les ''excellents élèves'' d'origines populaires doivent pouvoir faire des études secondaires si la demande en est faite ; mais il ne trouve rien à redire (loin s'en faut) à ce que « beaucoup d'excellents élèves, qui pour des raisons variées ne chercheront pas leur place dans le second degré » finissent leur scolarité à 14 ans dans une « classe de fin d'études » . Ainsi va la marche réelle et historique de la ''démocratisation'', avec ses pionniers et ''éclaireurs'' réels, car Jean Zay en est manifestement un pour son époque.
Autre surprise : une certaine inflexion du ''mode de gouvernance'' mise en œuvre par Jean Zay en vue de l'application effective de la prolongation de la durée de l'instruction obligatoire par une ''classe de fin d'études''.
Jean Zay s'est en effet contenté - par une circulaire aux inspecteurs d'académie du 30 octobre 1936 - de mentionner trois objectifs fort généraux pour cette classe (renforcer les notions déjà acquises ; donner le goût de continuer la culture humaine et professionnelle ; rechercher la place qui conviendrait le mieux à chaque élève dans l'activité économique de la France), en ajoutant (et c'était une innovation majeure) : « C'est à vous-même, aux inspecteurs, aux instituteurs et aux institutrices, que je confie la charge, connaissant le but, d'y atteindre par des voies aussi variées que les conditions locales et les aptitudes des enfants. L'année scolaire 1936-1937 sera pour tous une année d'initiatives, de documentation. C'est au vu des difficultés à surmonter, des solutions apportées et des résultats obtenus que je pourrai établir les programmes, les horaires et les instructions à soumettre au Conseil supérieur de l'Instruction publique ».