claude lelièvre (avatar)

claude lelièvre

Historien de l'éducation

Abonné·e de Mediapart

837 Billets

1 Éditions

Billet de blog 12 mai 2016

claude lelièvre (avatar)

claude lelièvre

Historien de l'éducation

Abonné·e de Mediapart

Un secondaire (très) «spécial»...

Il y a 150 ans déjà, ''ultra-libéralisme'' en plein ''bonapartisme autoritaire'' ? « L'homme, le capital le plus précieux ».

claude lelièvre (avatar)

claude lelièvre

Historien de l'éducation

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme l'a précisé Victor Duruy (ministre de l'Instruction publique sous le règne de Napoléon III, et promoteur de ce ''secondaire spécial'') dans ses « Notes et souvenirs »), « cet enseignement particulier fut ''secondaire'' parce qu'il s'élevait fort au-dessus des préoccupations de l'école primaire, et je l'appelai ''spécial'' – mot qu'on ne comprend plus aujourd'hui – bien que la circulaire d'exécution établisse que, si l'enseignement classique est le même partout, l'enseignement spécial doit varier dans beaucoup de localités, selon le caractère de l'industrie dominante. C'est pour cela que les programmes furent très étendus, afin que chaque école pût y prendre ce qui convenait le mieux à ses besoins. C'est pour cela aussi qu'un conseil de perfectionnement et de patronage, composé des notables de l'industrie et du commerce, sous la présidence non du proviseur , mais du maire, fut placé à côté de chaque école ''spéciale'', avec de sérieuses attributions ».

L'importance accordée alors à cet enseignement ''spécial'' tient à la conjoncture économico-technique née des traités libre-échangistes des années 1860, et à la prise en compte des forces et des faiblesses de la France dans une internationalisation accrue de la concurrence .

« Dans la lutte pacifique – mais redoutable- qui est engagée entre les peuples industriels, le prix n'est pas réservé à celui qui disposera de plus de bras et de capitaux, mais à la nation au sein de laquelle les classes au travail auront le plus d'intelligence et de savoir. La science met chaque jour au service de l'industrie des agents nouveaux qui la secondent. Voilà pourquoi le progrès industriel est aujourd'hui étroitement lié au progrès scolaire » (Circulaire de Victor Duruy aux recteurs sur l'organisation du secondaire ''spécial'', avril 1866).

Et un siècle avant la théorie néoclassique dite du ''capital humain'' (apparue explicitement à la fin des années 1950 dans le monde des économistes anglo-saxons), Victor Duruy pense l'instruction en terme d'investissement prioritaire : « Par le développement de cet enseignement, nous répondrons à une nécessité impérieuse de la nouvelle organisation du travail. Nous irons à tous les degrés de l'échelle sociale pour mettre l'homme en valeur. C'est un capital, et le plus précieux de tous » (Discours de Victor Duruy à l'inauguration du lycée d'enseignement ''spécial'' de Mont-de-Marsan, en octobre 1866).

Soixante-dix ans plus tard, dans un discours prononcé au palais du Kremlin en 1935, Staline déclare : « Ainsi donc, camarades, si nous voulons remédier à la pénurie d'hommes et obtenir que notre pays dispose de cadres suffisants, capables de faire progresser la technique et de la mettre en action, nous devons savoir apprécier avant tout les hommes, apprécier les cadres, apprécier chaque travailleur pouvant être utile à notre œuvre commune. Il faut enfin comprendre que, de tous les capitaux précieux existant dans le monde, le plus précieux et le plus décisif ce sont les hommes »

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.