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Billet de blog 12 septembre 2010

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Des établissements de «réinsertion scolaire»?

Luc Chatel inaugurait ce lundi le premier d’entre eux. En réalité, cette création est à l’intersection de l’accentuation de la politique sécuritaire impulsée ces derniers temps et d’une certaine affirmation du "mérite"’ comme principe de base de l’Ecole.

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Luc Chatel inaugurait ce lundi le premier d’entre eux. En réalité, cette création est à l’intersection de l’accentuation de la politique sécuritaire impulsée ces derniers temps et d’une certaine affirmation du "mérite"’ comme principe de base de l’Ecole.

Le ministre de l’Education nationale inaugure ce lundi à Saint-Dalmas-de-Tende ( Alpes maritimes ) le premier " établissement de réinsertion scolaire ". La circulaire du 15 juillet 2010 indique que " conformément aux engagements du Président de la République, les élèves particulièrement perturbateurs pourront être sortis de leur établissement et placés dans des structures adaptées, aussi longtemps que nécessaire ".

Il est donc prévu un nouveau type d’établissement, qui se situe entre les classes ou ateliers ‘’relais’’ ( qui réinsèrent la plupart de leurs élèves au bout de deux ou trois mois, ‘’normalement’’ ou à peu près ‘’normalement’’ selon les notes du ministère qui se sont succédé chaque année depuis leur création ) et " les centres éducatifs fermés " ( qui accueillent des élèves condamnés par la Justice ).

Ces nouveaux établissement, destinés à des élèves de 13 à 16 ans pour une durée d’ " au moins un an " ( renouvelable deux fois, soit jusque à la fin de la scolarité obligatoire ), doivent s’inscrire dans des partenariats, notamment avec les ministères de la Justice et de la Défense, et les collectivités territoriales.

Le 24 mai 2010, lors d’un déplacement à Beauvais ( Oise ) consacré au thème de la lutte contre l’absentéisme et les violences scolaires, Nicolas Sarkozy annonce que " dès le mois de septembre prochain, une dizaine d’établissements de ce type vont ouvrir en France, dont trois en Seine-Saint-Denis, et un dans le département de la Somme ".

Mais le Conseil général de la Somme ( majoritairement à gauche ) décline ‘’l’offre’’ du recteur d’Amiens. Et le président ( de gauche ) du Conseil général de la Seine-Saint-Denis, Claude Bartelone, met en avant le dispositif mis en place par le conseil général en collaboration avec l’inspection académique et les mairies concernées ( dans 24 collèges de 10 villes de Seine-Saint-Denis, à partir de septembre 2010 ). Des associations, des médiateurs ou des éducateurs spécialisés recrutés par les villes accueilleront les jeunes exclus pendant la période d’éloignement de l’établissement ( l’équipe éducative du collège étant également impliquée ) ; ce dispositif ayant été testé " avec succès " lors de l’année scolaire 2009-2010 à Stains et Pierrefitte. " Nous sommes là dans un dispositif de prévention, à la différence des établissements de réinsertion scolaire ", souligne Claude Bartelone.Finalement, le ministère annonce que trois "établissements de réinsertion scolaire" vont être créés fin octobre pour accueillir les élèves ''perturbateurs'' de Seine-Saint-Denis: 20 iront à Craon ( en Mayenne ), 10 à Port-Bail ( dans la Manche ), et 20 dans un lycée d'enseignement catholique à Vaujours ( en Seine-Saint-Denis ).

En définitive, le premier " établissement de réinsertion scolaire " a été créé à l’initiative ( précipitée ) du président du Conseil général des Alpes maritimes – Eric Ciotti – par ailleurs secrétaire national de l’UMP en charge de la sécurité. Eric Ciotti a été le rapporteur de la loi sur les violences en bande, et il a été à l’origine du texte prévoyant la suspension des allocations familiales pour les parents des enfants absents à l’école. En août dernier, il a été l’auteur d’un projet ( rejeté par François Fillon ) qui envisageait que " soit puni de deux ans de prison et de 30000 euros d’amende le fait pour le père ou la mère de laisser un enfant mineur, lorsque celui-ci a été poursuivi ou condamné pour une infraction, violer les interdictions et les obligations auxquels il est soumis ".

Et c’est donc lui qui s’est ‘’précipité’’ pour cette ‘’première’’, selon les dires mêmes du vice-président du conseil général des Alpes maritimes José Balarello ( conseiller général du canton où s’est faite l’installation ) qui a été " mis devant le fait accompli ".

Les auspices et les circonstances de la création de ce premier " établissement d’insertion scolaire " ne devraient d’ailleurs pas surprendre outre mesure lorsque qu’on ne cherche pas ( par delà le ‘’petit doigt’’ de l’intitulé " réinsertion scolaire’’ ) à se cacher ce qui est foncièrement recherché.

D’autant que Nicolas Sarkozy a été finalement assez direct lors de l’allocution qu’il a prononcée jeudi dernier à Marly-le-Roi pour l’inauguration de l’un des premiers " internats d’excellence " qui sont l’autre face de cette politique ( des " internats d’excellence " pour les uns, des " internats de réinsertion scolaire " pour les autres… )

Il est d’ailleurs caractéristique qu’il ait parlé en même temps et dans le même discours des uns et des autres, et à partir d’un même principe de base : le " mérite " ( à combiner ou non avec le " disciplinaire " ).

" A Marly-le-Roi [a-t-il dit ] ce sont des enfants méritants dans le cadre de familles modestes à qui on va donner une chance supplémentaire. Dans l’internat d’excellence, il n’y a aucune dimension disciplinaire. Ce n’est jamais une sanction que d’arriver dans un internat d’excellence. C’est une récompense, c’est une promotion, c’est une opportunité, c’est une chance ".

" Je voudrais dire aussi que les internats d’excellence ne sont pas la seule nouveauté de la rentrée. Lundi, le ministre Chatel inaugurera à Tende le premier établissement de réinsertion scolaire. Là, nous sommes dans une dimension totalement disciplinaire, je dirais exclusivement disciplinaire ".

Et Nicolas Sarkozy de conclure : " La République, c’est celle qui doit promouvoir celui qui le mérite et qui doit sanctionner celui qui le mérite ".

Cela a au moins le ‘’mérite’’ de la clarté : les établissements de ‘’réinsertion scolaire’’ ont toutes les ‘’chances’’ d’usurper leur nom.

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