C’est ce que vient de déclarer Geneviève Fiaroso, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, en pleine période de préinscription des futurs bacheliers auprès des différents dispositifs du supérieur.
Pour comprendre pleinement la situation actuelle, il n’est sans doute pas inutile de se souvenir du moment fondateur des baccalauréats professionnels et de prendre la mesure de l’évolution – limitée – qui a eu lieu dans les destinations des élèves titulaires de ces baccalauréats depuis leur création ( il y a un peu plus d’un quart de siècle ).
Le 28 mai 1985, le ministre de l’Education nationale Jean-Pierre Chevènement déclare que des « baccalauréats professionnels » vont être créés afin de répondre en premier lieu aux besoins de modernisation du pays ( dans le cadre d’une concurrence internationale accrue ) en formant des ouvriers de plus en plus qualifiés « souvent au niveau du baccalauréat, quelquefois à un niveau supérieur encore ». L’objectif premier de cette création n’est donc pas de l’ordre de la promotion sociale.
Le 8 octobre 1985, le ministre précise qu’il s’agit « d’offrir, à l’issue de la classe de troisième, trois voies d’égale dignité » : la voie générale, dans laquelle « peuvent s’engager ceux qui ont les capacités de poursuivre des études aux niveaux les plus élevés de l’Université » ; la voie technologique, « qui conduira la majorité des jeunes qui s’y engagent vers un niveau de technicien supérieur » ; et la «voie professionnelle, qui assure, après l’obtention d’une qualification de niveau V, une possibilité de poursuivre la formation jusqu’au niveau du baccalauréat et même vers un niveau plus élevé ».
Il y a donc l’affirmation ( symbolique ) par le titre même de ‘’baccalauréat’’ d’une égalité de dignité, mais non d’un égalité de parcours ( même si, compte tenu de sa ‘’double nature’’, l’obtention du bac permet juridiquement l’entrée à l’Université ). Et le ministre de l’Education nationale Jean-Pierre Chevènement insiste beaucoup sur l’idée qu’il s’agit d’effacer l’image de « parent pauvre de l’éducation nationale » attachée à l’enseignement technique professionnel, en l’adaptant « à cette partie de la jeunesse qui a le plus besoin qu’on lui offre des perspectives » mais aussi aux professeurs, dont la carrière a été « trop souvent bornée par l’horizon du système lui-même ».
Un quart de siècle après, où en est-on ? Depuis sa création , la part des bacheliers professionnels dans l’ensemble des bacheliers a assez régulièrement augmenté et s’est élevée à 27% en 2011 ( contre 13% en 1995 par exemple ). Par ailleurs, le pourcentage des bacheliers professionnels qui continuent des études dans le supérieur après l’obtention de leur baccalauréat augmente assez régulièrement aussi, et il atteint désormais plus du quart des lauréats ( ce qui n’avait pas vraiment été prévu lors de la création des baccalauréats professionnels ).
Environ 7% des détenteurs d’un baccalauréat professionnel continuent des études en université ( hors IUT), 1% en IUT, 8% en STS production, 10% en STS services ( soit 26% en tout ). Mais avec des chances de réussite très différentes. En 2010, la réussite des bacs pros en BTS production a été de l’ordre des deux tiers, et celui des bacs pros en BTS service de près de la moitié. Ce ne sont pas des taux de réussite foncièrement élevés ( loin s’en faut ,en particulier en BTS services ) mais cela vaut quand même la peine de tenter sa chance.
Il n’en va pas du tout de même pour ce qui concerne les taux de réussite pour les 7% de bacheliers professionnels qui tentent « leur chance » en université ( hors IUT ) : elle est extrêmement mince. Seulement 2,7% des bacheliers professionnels qui se sont inscrits à l’université en 2007 ont obtenu une licence au bout de trois ans ( en 2010 ). Et seulement 4,1% des bacheliers professionnels qui se sont inscrits à l’université en 2006 ont été titulaires d’une licence en 2010 ( en trois ans ou quatre ans, taux de réussite cumulée ).
Dans sa conférence de presse du 20 septembre 2012, Geneviève Fioraso avait déjà affirmé avoir rappelé à "leur devoir" ( celui d’accueillir plus de bacheliers issus des séries technologiques ou professionnelles ) les directeurs d’Instituts universitaires technologiques et les proviseurs de lycées préparant au BTS ( brevets de technicien supérieur ). Avec quel succès ? On ne sait.
Cette fois-ci, après avoir déclaré fortement le 10 janvier que « c’est une tuerie que d’envoyer des bacs pros à l’université », la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche vient de se dire décidée à favoriser l’inscription des bacheliers professionnels en STS et des bacheliers technologiques en IUT ( tout en souhaitant « éviter d’imposer des quotas » ), avec pour objectif 45% de bacheliers technologiques en IUT ( contre un petit quart actuellement ) et 60% de bacheliers professionnels en STS ( contre 26% actuellement, un très fort défi…), dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi d'orientation du supérieur projetée. Et elle a annoncé la création d’un groupe de travail entre son ministère et celui de Vincent Peillon sur le « bac-3 bac +3 » avec pour objectif que « les STS et les IUT ne deviennent pas des filières d’évitement des universités » ( en premier lieu pour les détenteurs de baccalauréats généraux ). A suivre…