« Il y a tout juste quarante ans, du 15 au 17 mars 1968, s’est tenu à Amiens un colloque des plus surprenants avec la participation de la fine fleur des hauts fonctionnaires de l’éducation nationale et des chercheurs en éducation. Le mot de la fin du recteur d’Amiens, puissance invitante, a été également des plus étonnants : " Le seul moyen d’éviter les révolutions, c’est d’en faire ". Deux mois avant Mai 68 […] ‘’C’est seulement par la réforme des méthodes de l’enseignement, conclut le ministre Alain Peyrefitte, que l’école peut remplir aujourd’hui sa mission de toujours, celle d’initier à une culture ; or cette initiation, aujourd’hui, ne peut qu’être une invention : il s’agit d’aider à la mue de la société, d’apprendre à vivre dans l’incertain sans angoisse ni indifférence, d’éduquer le sens critique, d’enseigner l’ironie, de fortifier à la fois l’autonomie et la sociabilité. Dans cette liberté, naîtra une nouvelle culture, qui sera une culture de notre temps."
Deux mois après ces déclarations fracassantes, Mai 68. Une " révolution " dans la continuité du colloque d’Amiens ? Quarante ans après, le chef de l’Etat - Nicolas Sarkozy - condamne sans appel, en particulier dans le domaine éducatif, Mai 68. Son discours de février 2008, à Périgueux, sur la refondation des programmes du primaire a des accents très traditionnels voire passéistes et autoritaires » (fin de la citation du premier billet de ce blog du 14 mars 2008)
Dès son arrivée au ministère de l’Éducation nationale en mai 1967, le très gaullien Alain Peyrefitte avait réuni chaque semaine un groupe de travail qui a élaboré en quelque six mois un plan de réformes en 27 points (27 points qui figurent – bien des années plus tard – in extenso en Annexes du tome III du livre d’Alain Peyrefitte intitulé C’était de Gaulle, signe de l’importance persistante qu’il leur accordait).
Les points de la réforme envisagée (groupés sous le nom de « rénovation pédagogique ») n’en sont plus alors au statut d’avant-projets, car ils doivent faire l’objet d’une mise en œuvre expérimentale à la rentrée de septembre 1968 dans cent écoles primaires et trente collèges. Il est dit explicitement que « le cours magistral doit disparaître presque complètement à tous les niveaux ». Et il est prévu de remplacer les devoirs à la maison par des interrogations écrites ou orales donnant l’occasion aux élèves d’améliorer leur capacité d’expression et de s’évaluer eux-mêmes (par l’auto-correction). Il est prévu que le latin disparaisse entièrement en sixième et cinquième. Les classes seront structurées « comme de petites républiques », avec des équipes de six à huit élèves élisant leur chef
Le sénateur LR Max Brisson vient de déposer au Sénat un texte de projet de loi co-signé par Bruno Retailleau qui s’est beaucoup distingué lors de la discussion du projet de loi sur les retraites. Selon l’article du « Café pédagogique » paru le 6 mars dernier : « Cette proposition de loi intègre des marqueurs politiques du groupe LR », nous a dit le sénateur LR Max Brisson. Il dépose au Sénat une proposition de loi « pour une école de la liberté , de l’égalité des chances et de la laïcité » qui vise à lancer un nouveau débat avec les macronistes. Le texte prévoit des écoles et établissements publics sous contrat, sur le modèle des « académies » britanniques. Ces établissements publics sous contrat pourraient choisir leurs élèves, leurs enseignants, et même leur organisation pédagogique, dérogeant ainsi totalement aux règles des autres établissements scolaires publics comme privés sous contrat. Ils seraient dirigés par un chef d’établissement aux pouvoirs étendus, y compris dans le premier degré. « L’autorité hiérarchique » du directeur d’école est affirmée. Dans la foulée, la proposition de loi intègre les autres marqueurs de droite : interdiction du port du voile pour les accompagnatrices des sorties scolaires, attribution des avantages REP aux écoles rurales, port obligatoire de l’uniforme. Selon M Brisson, le groupe LR du Sénat veut « marquer ses orientations et ses idées de réformes nécessaires par rapport à un gouvernement qui n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale et doit donc travailler avec le Sénat ». Après la réforme des retraites, l’éducation nationale sera le second domaine où la droite pense pouvoir imposer ses idées. Pour Max Brisson, les dérogations très larges accordées aux établissements ne posent pas problème car « il appartient au recteur (signataire du contrat) de mettre les limites ». En réalité, la proposition de loi ferait éclater l’Education nationale, accélérerait sa privatisation et la droitisation de l’Ecole. La proposition de loi devrait arriver en séance en avril ou mai »
On n’arrête pas le progrès...