claude lelièvre
Historien de l'éducation
Abonné·e de Mediapart

774 Billets

1 Éditions

Billet de blog 16 mai 2011

claude lelièvre
Historien de l'éducation
Abonné·e de Mediapart

«Une grande cause nationale 2012»?

Plus de 120 députés de droite viennent de déposer une proposition de loi demandant que le «refus de l’échec scolaire soit déclaré Grande cause nationale 2012».

claude lelièvre
Historien de l'éducation
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Plus de 120 députés de droite viennent de déposer une proposition de loi demandant que le «refus de l’échec scolaire soit déclaré Grande cause nationale 2012».
La fin de l’exposé des motifs situe explicitement ce projet de loi dans le cadre du rendez-vous électoral de 2012 : « Alors que l’année 2012 sera marquée par le débat lié aux scrutins présidentiel et législatif, la dimension de ‘’Grande cause nationale’’ permettrait l’expression d’une volonté politique forte, préalable indispensable à l’adoption de mesures concrètes pour mettre un terme à la spirale [ de l’échec] ».
Le début de l’exposé des motifs vaut que l’on s’y arrête, car il est pour le moins étonnant si on le rapporte à quelques rappels historiques.
« Le premier enjeu d’une grande cause nationale consacrée au refus de l’échec scolaire est de permettre une prise de conscience générale quant à la réalité de la situation et à sa gravité. L’opinion publique pense en effet sincèrement que l’école primaire fonctionne bien et qu’elle remplit correctement son rôle. Or, malgré la compétence et le dévouement des enseignants, l’échec scolaire existe, il se développe en France et la situation devient même très préoccupante ».
L’exposé des motifs en prend pour preuve principale l’évolution « des performances en lecture en fin de CM1 » dans le cadre de PIRLS ( Progress in International Reading Literacy, Programme international de recherche en lecture scolaire ) », où il apparaît que « la France est passée du quatrième rang sur 24 pays évalués en 1990 au vingt-septième rang sur 44 pays évalués en 2006 ».
On doit à la vérité historique de rappeler ici que des dirigeants de droite ( et non des moindres ) ont déjà ‘’sonné le tocsin’’ en matière d’échec scolaire ( et en particulier d’apprentissage de la lecture ) dès le début des années 1990 ( alors même que la France se situait alors favorablement en quatrième position sur 24 pays étudiés) après quelque dix ans de gouvernement socialiste. Ceci expliquant peut-être cela.
Ainsi François Bayrou, ministre de l’Education nationale fraîchement émoulu dans le gouvernement de droite d’Edouard Balladur, proclame dans « Le Monde » du 3 mai 1993 qu’« il faut engager une politique ambitieuse pour réduire de moitié en cinq ans le nombre des enfants – 30% actuellement – qui ne savent pas comment lire et comprendre un texte simple » . Et il insiste dans l’émission « L’heure de vérité-France2 » du 5 septembre 1993 : « Je n’ai pas désarmé dans mon objectif presque fou de diminuer de moitié en cinq ans le nombre d’enfants non–lecteurs entrant en sixième ».
Deux ans plus tard Jacques Chirac, en pleine campagne présidentielle, proclame dans « Le Monde » du 30 mars 1995 qu’ il ne se résout pas « à accepter une situation où près d’un enfant sur deux entre en sixième sans comprendre ce qu’il lit ». Et un an plus tard, élu président de la République, Jacques Chirac s’engage le 10 mars 1997 sur France 2, à ce qu’ « au terme de son septennat tous les enfants entrant en sixième maîtrisent parfaitement les connaissances de base » et que « tous les enfants en fin de CE2 sachent parfaitement lire »…
Il est malheureusement bien établi que – depuis - la situation a évolué dans le mauvais sens. On est bien passé du quatrième rang sur 24 pays étudiés en 1990 par PIRLS, au vingt-septième rang sur 44 pays en matière de lecture à la fin du CM1. Et la comparaison effectuée par la Direction de la prospective et de la performance du ministère de l’Education nationale auprès d’élèves de CM2 à vingt ans d’intervalle a bien montré que, en lecture, 21% des élèves de 2007 se trouvaient au niveau des 10% des plus faibles de 1987.
On est donc en droit, effectivement, maintenant, après nombre d’années de gouvernement de droite ( dont une dizaine d’années en continu dans la dernière période ) de s’inquiéter et de faire de l’enseignement primaire une question majeure, digne de figurer au premier plan d’un programme présidentiel. Mais on conviendra aussi que la majorité présidentielle actuelle n’apparaît pas la mieux placée pour le faire.
D’autant que, en dépit des références réitérées au rapport d’avril dernier ’’Vaincre l’échec à l’école primaire’’ de l’Institut Montaigne ( un think-tank généralement classé à droite ), il n’est fait dans les attendus de la proposition de loi aucune mention des passages de ce rapport qui mettent clairement en cause le taux d’encadrement et le faible coût de l’élève de l’enseignement primaire français par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE.
Mais cette ‘’ellipse’’ sur ce point des députés de droite ( en dépit de cette mise en garde de l’Institut Montaigne lui-même ) ne saurait trop étonner au moment même où le ministère de l’Education nationale ( sous l’autorité du gouvernement actuel et de Nicolas Sarkozy ) continue de ne pas remplacer la moitié des enseignants partant à la retraite, avec ses conséquences au premier chef dans l’enseignement primaire…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte