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Billet de blog 16 décembre 2016

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L'habit ne fait pas le moine... Fillon filou

Il ne s'agit pas de se voiler la face. Et on peut même se rhabiller. Le mot d'ordre ''l'uniforme à l'école'' est un ovni. Les méandres à ce sujet du grand patineur de flou artistique François Fillon sont tout à fait instructifs, à l'instar de ses palinodies à propos de la Sécurité sociale.

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Le 14 décembre 2003, Xavier Darcos (alors ministre délégué à l'Enseignement scolaire) déclare publiquement que « la question de l'uniforme en classe mérite d'être posée. Les tenues vestimentaires qui signalent les origines sociales des élèves et qui installent une sorte d'agressivité contre les rangers ne correspondent pas à l'esprit d'une classe où tout le monde doit être respectueux d'autrui ».

Cette déclaration avait été précédée de peu par celles de François Baroin et de Renaud Donnedieu de Vabres évoquant le retour des « tabliers gris » pour lutter contre les enfants « fashions victims » et surtout combattre la « montée des communautarismes et le voile à l'école ». Dès le début la question du « retour » (?) de l' « uniforme à l'école » est pour le moins à ''géométrie variable'' (dans ses attendus comme dans ses formes). Et cela ne va pas cesser, bien au contraire.

Toujours est-il que le ministre de tutelle de Xavier Darcos (à savoir Luc Ferry, alors ministre de l'Education nationale) renvoie le ministre délégué à l'Enseignement scolaire dans les cordes : « Le port de l'uniforme n'est plus possible. Tous ceux qui disent que le seul moyen de défendre la République est de revenir aux plumes Sergent Major affaiblissent l'idée républicaine ».

Rien n'est donc décidé. Rien n'est décidé (ni même évoqué) non plus lorsque François Fillon prend la succession de Luc Ferry à la tête du ministère de l'Education nationale, de mars 2004 à juin 2005.

En 2007, et pour la première fois dans un programme en vue des élections présidentielles, Philippe de Villiers préconise « le port obligatoire de l'uniforme à l'école et le drapeau tricolore hissé dans toutes les cours de récréation » (à partir de là, et c'est une nouvelle fois une variante de'' l'ovni'' « uniforme à l'école », cette association inédite aura une certaine postérité dans certaines propositions ultérieures).

En mai 2008, Xavier Darcos devient ministre (cette fois de plein exercice) de l'Education nationale . Le 18 janvier 2009, en visite à Londres et sans doute inspiré par les costumes cravates gris et les chemises blanches des jeunes élèves de la City of London Academy, le ministre se dit favorable à ce que, dans l'Hexagone, les élèves d'un même établissement portent une tenue identique. « Cela n'a rien de scandaleux. Cela supprime les différences visibles de niveau social ou de fortune. C'est un facteur d'intégration supplémentaire ». Xavier Darcos ne fait pas alors la promotion de la blouse grise d'antan. Il en conçoit plutôt une version modernisée à l'instar des universités américaines via le port d'un tee-shirt siglé qui signale l'appartenance à l'établissement (là encore, aussi bien les ''attendus'' que la forme de ''l'uniforme à l'école'' varient une nouvelle fois).

Mais, finalement, rien n'est décidé. Et le Premier ministre de l'époque (un certain François Fillon) ne se manifeste d'aucune façon en l'occurrence.

Il faut attendre fin 2011 pour enregistrer sa première réaction publique. Dans le « Figaro » du 16 novembre 2011, la journaliste Marie-Estelle Pech indique que « l'UMP propose d'expérimenter, dans les établissements, le port d'un «vêtement commun», afin de ''gommer les inégalités sociales'' et de renforcer «un esprit d'appartenance». Cette décision, qui «serait discutée dans les conseils d'administration» des établissements scolaires, figure parmi les propositions de l'UMP sur «le pacte républicain et la nation» destinées à alimenter le projet présidentiel. La décision d'introduire la blouse ou l'uniforme dépend aujourd'hui de chaque établissement, qui peut décider de l'inscrire dans le règlement intérieur. Cette pratique ne fait plus recette, faute de demande des parents et des enseignants, souligne-t-on au SNPDEN, le principal syndicat de chefs d'établissement. Jusqu'en 1968, les élèves portaient traditionnellement une blouse. Il s'agissait alors de protéger de l'usure et des taches les vêtements, plus coûteux qu'aujourd'hui ».

Le Premier ministre François Fillon déclare alors dans une réunion publique d'un millier de personnes en Loire-Atalntiuqe : « Je me réjouis de la proposition qui a été faite par plusieurs de nos parlementaires d'expérimenter la mise en place d'une tenue uniforme dans certains de nos établissements scolaires. Une tenue uniforme serait le signe qu'à l'école il n'y a pas de différence de classes, pas de différence sociale. C'est un des éléments forts de l'intégration républicaine ». Bigre. Et cela d'autant plus que rien ne se passe en fait à ce sujet jusqu'en mai 2012, date à laquelle François Fillon doit céder sa place à Jean-Marc Ayrault à la suite de l'élection présidentielle.

En août 2013, François Fillon indique que « L'Ecole doit être le creuset du civisme et de l'égalité républicaine. Les distinctions sociales ou d'origines doivent s'effacer au profit d'un esprit d'unité. Je propose d'instaurer une tenue uniforme des élèves dont les modalités doivent être définies au niveau de chaque établissement ».

Dans une tribune parue dans le « Figaro » du 7 mai 2015, François Fillon déclare : « Je suis favorable à ce que tous les élèves portent une tenue uniforme afin de créer un esprit de communauté et d'éviter les querelles sur les marques de vêtements ou sur la longueur des jupes »

En septembre 2016, au cours de l'université d'été à La Baule, François Fillon conclut : « je veux une école du respect, de l'autorité, symbolisés par le port de l'uniforme »

Enfin, lors du second débat télévisé de la primaire de droite, François Fillon déclare urbi et orbi : « Je propose un uniforme parce que je pense que c'est moderne, une bonne manière de montrer à un enfant qu'il entre dans une nation ».

On l'aura compris, le filou Fillon est entré plus tard que d'autres dans la rhétorique de « l'uniforme » (ou de « la tenue uniforme ») à l'école. Mais il s'est vite rattrapé pour en faire également un ''ovni'' (à ''géométrie variable'', aussi bien dans ses ''attendus'' que dans ses ''propositions concrètes'' possibles)...

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