La redéfinition des concours de recrutement des professeurs du secondaire constitue l’un des points de fixation dans les luttes universitaires et scolaires actuelles. Il est le lieu idéal pour des tours de passe-passe et d’inversion qui ont déjà eu lieu.
Jusqu’au début de la quatrième République, l’agrégation et la licence assuraient traditionnellement le recrutement des enseignants du secondaire. L’agrégation donnait droit à la titularisation immédiate comme professeur de lycée. La licence ( qui pouvait s’obtenir alors en deux années seulement après le baccalauréat ) permettait l’entrée dans la carrière par les échelons successifs de la délégation ministérielle ( généralement dans les collèges ). On était titularisé, après quelques années d’enseignement, sans concours ( ni théorique, ni pratique), et sans autre formation.
Le décret du 1° avril 1950 institue un certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement public ( CAPES ), qui comprend deux parties : " Premièrement, une partie pratique dont les épreuves ne peuvent être subies qu’au cours de la seconde année d’un stage d’au moins deux années scolaires dans un collège ou un lycée ; deuxièmement, une partie théorique ".
D’abord un stage pratique et son évaluation ; ensuite un examen écrit, qui ne doit pas être livresque mais directement professionnel : " Le stagiaire, pourvu de conseillers pédagogiques, apprend son métier ; c’est la preuve de cet apprentissage qu’on lui demandera au terme de son stage. Le succès au stage sera suivi d’un examen écrit dont les épreuves, à caractère très étroitement professionnel, devront confirmer l’adaptation du candidat aux différentes tâches qu’il a à remplir comme professeur. Le succès dépendra donc beaucoup moins d’une préparation intensive et livresque que de l’application au travail quotidien et de la réflexion personnelle sur ses conditions ".
Mais des craintes se font jour quant à la préparation au concours de l’agrégation, au rétrécissement de son aire de recrutement. Dès 1952, les partisans de la défense et illustration de l’agrégation ( parmi lesquels la puissante " Société des agrégés " joue un rôle primordial ) ont gain de cause. Sous leur influence, une deuxième mouture est mise en place, qui durera pour l’essentiel jusqu’à nos jours. Le décret du 22 janvier 1952 stipule : " Le concours pour l’obtention du CAPES comprend deux parties indépendantes : premièrement une partie théorique qui comporte des épreuves écrites et une épreuve orale ; deuxièmement une partie pratique soutenue un an après le succès à la partie théorique ". Dans le Journal officiel du ministère de l’Education nationale, l’inspecteur général Campan commente ouvertement la raison profonde de ce nouveau dispositif, de cette inversion : " Une caractéristique essentielle du nouveau système, c’est sa liaison étroite avec le concours de l’agrégation ". Il s’agit d’assurer avant tout – directement et indirectement – un recrutement élargi et de qualité pour l’agrégation, qui est ainsi consolidée. Et tout le reste est littérature.
Bis repetita ? Les grandes ( ou plutôt petites ) manœuvres ont déjà commencé, avec sans aucun doute et comme d’habitude la Société des agrégés dans les coulisses du ministère de l’Education nationale. Au premier plan, les Autonomes, l’un des principaux syndicats de l’enseignement supérieur qui - il n’y a pas si longtemps – se trouvait avec les autres, mais qui est actuellement bien le seul à s’accommoder des mesures ‘’transitoires’’ proposées par les ministres Xavier Darcos et Valérie Pécresse pour ce qui concerne l’épineux problème de la formation des enseignants. Les Autonomes se félicitent en particulier du renforcement des épreuves disciplinaires annoncé par les ministres pour le CAPES et, dans le même sens militent pour un renforcement de l’agrégation en demandant un master recherche ( et donc une 6° année d’étude post-master ) pour se préparer à l’agrégation. Distinction, quand tu nous tiens…
PS: Ce 20 mars, le ministre Xavier Darcos vient d'envoyer une lettre aux syndicats indiquant notamment qu'"afin de permettre l'adapatation progressive de l'appareil universitaire de formation, les concours actuels seront maintenus dans leur état actuel pour la session 2010. La réflexion sur la rénovation des concours de la session 2001 devra s'engager rapidement".