«Notre projet est de construire l’école de la confiance : confiance de la société en son école ; confiance de l’école à l’égard des parents ; confiance de l’institution envers les professeurs ; confiance des professeurs à l’égard des élèves et confiance des élèves en eux-mêmes et en leur réussite. C’est tous ensemble – avec les professeurs, les élèves, les parents et tous les acteurs de l’éducation – que nous construirons cette école de la confiance. »
Le moins que l'on puisse dire, c'est que Jean-Michel Blanquer ne s'est pas particulièrement illustré en acte jusqu'ici dans cette direction-là, alors même qu'il avait annoncé dès la dernière rentrée scolaire « 12 changements pour bâtir l'Ecole de la confiance ». Il prétend que oui, et que l'on pourra juger sur pièces...Mais on peut se demander aussi où peut se loger '' l'opportunité'' d'un tel ouvrage, surtout quand on est ministre d'un Chef d'Etat s'évertuant à faire valoir un pouvoir présidentiel très personnel et très ''vertical''.
Sous la présidence des deux présidents de la cinquième République les plus ''verticaux'' (à savoir Charles de Gaulle et Valéry Giscard d'Estaing, avec lesquels Emmanuel Macron est comparé par nombre d'observateurs politiques), un seul ministre de l'Education nationale s'est permis d'écrire un ouvrage pendant l'exercice de son ministère : Edgar Faure. Un seul ministre sur les 14 ministres qui se sont succédé. Et encore s'agissait-il d'expliciter le principe de la nouvelle politique scolaire choisi pas le général de Gaulle après les turbulences de Mai 68 : « L'Education nationale et la participation » (1968).
Sous la présidence de Georges Pompidou, un seul livre, d'un seul ministre de l'Education nationale, Olivier Guichard (toujours dans la suite des turbulences de Mai 68) pour expliquer qu'il ne s'agissait – sous la présidence de Georges Pompidou - ni d'une continuité avec la politique scolaire mise en œuvre sous Edgar Faure ni d'une restauration : « L'Education nouvelle » (1970).
Sous les deux septennats de François Mitterrand, un seul ministre s'est risqué à écrire deux livres durant son ministère (advenu à la suite de la crise majeure ''public-privé''), à savoir ''l'enfant terrible'' Jean-Pierre Chevènement : « Le pari sur l'intelligence» (1985) et « Apprendre pour entreprendre » (1985).
Ainsi, durant plus de la première moitié de la cinquième République (de 1958 à 1995), seulement 3 ministres sur les 21 qui se sont succédé ont écrit un livre durant leur prise en charge de l'Education nationale : Edgar Faure, Olivier Guichard et Jean-Pierre Chevènement. Et aucun d'entre eux n'avait écrit un ouvrage sur l'Ecole avant sa prise de fonction.
Une nouvelle période s'ouvre à partir de la présidence de Jacques Chirac (continuée durant les deux présidences suivantes de Nicolas Sarkozy et François Hollande), sous un pouvoir présidentiel moins ''vertical'' (ou à ''éclipses''), avec une certaine ''banalisation'' de l'écriture de livres ministériels ad hoc.
Cela commence avec François Bayrou qui est le premier à avoir écrit un ouvrage sur l'Ecole avant d'être ministre de l'Education nationale (« La décennie des mal-appris », 1990) et un ouvrage durant son ministère (« Le Droit au sens », 1996). On notera que dans ce livre très politique, François Bayrou déclare que son objectif est de « rompre avec la société de défiance pour construire la société de confiance » et que sa « conviction est qu'il y a des réformes qui ne seront acceptées que si les citoyens eux-mêmes sont mis en situation de mûrir la décision en situation de gouvernants » .
Durant cette seconde période, sur les 12 ministres de l'Education nationale qui vont se succéder (en comptant François Bayrou et Jean-Michel Blanquer ), 7 écriront au moins un ouvrage pendant leur ministère (sans compter l'introduction de Jack Lang à « Qu'apprend-on au collège ; pour comprendre ce que nos enfants apprennent, 2002 ; et la préface de Gilles de Robien à « Ecole et collège : tout ce que nos enfants doivent savoir », 2006).
Luc Ferry (avec Xavier Darcos et Claude Aigneré) : « Lettre à tous ceux qui aiment l'école », en 2003. Xavier Darcos : « Tacite, ses vérités sont les nôtres », en 2008 (mais aussi, avant son ministère de plein exercice, en 2005, « L'Ecole de Jules Ferry ; 1880-1905 » ; et « Deux voix pour une école », avec Philippe Meirieu, en 2003). Luc Chatel : « Le Monde qu'on leur prépare. Ecole économie, Etat. Entretiens croisés avec Jean-Pierre Chevènement », en 2011. Vincent Peillon : « Refondons l'Ecole », en 2013 (mais aussi, avant son ministère : « Peut-on améliorer l'Ecole sans dépenser plus ?», avec – en contre – Xavier Darcos, 2009 ; et même : « Une religion pour la République : la foi laïque de Ferdinand Buisson », 2010). Najat Vallaud-Belkacem : « La vie a plus d'importance que toi », en 2017.
On n'aura garde d'oublier, pour cette deuxième période, ceux qui se sont distingués après leur ministère dans le plaidoyer pro-domo (et/ou le ''règlement de compte'' avec leurs successeurs). Claude Allègre : « Toute vérité est bonne à dire » (2000) ; « Vive l'école libre » (2000). Jack Lang : « Une école élitaire pour tous » (2003) ; « Pourquoi le vandalisme d'Etat contre l'Ecole ? Lettre au président de la République » (2011) ; « Un manifeste pour une révolution scolaire » (2016).
Mais là, il faudra encore attendre un peu pour ce qui concerne Jean-Michel Blanquer, déjà très bien placé pour son œuvre livresque scolaire pendant son ministère et avant : « L'Ecole de la vie. Pour que chacun puisse réussir » (2004) et « L'Ecole de demain. Propositions pour une Education nationale rénovée » (2016 ).