Une circulaire ministérielle prise à l’initiative et sous l’autorité de Ségolène Royal datée du 26 août 1997 concernant l’ « instruction des violences sexuelles » est bien parue au Bulletin Officiel le 4 septembre 1997.
Son préambule met l’accent sur la prise en compte de la parole de l’enfant : « la parole de l’enfant qui a trop longtemps été étouffée doit être entendue et écoutée ; et sa souffrance prise en compte, car c’est à partir de la sanction du crime ou du délit que peut s’opérer pour la victime un lent travail de reconstruction ».
Le chapitre sur le signalement lorsqu’il y a « connaissance directe des faits » est particulièrement incisif. Il est rappelé que tout manquement à cette obligation légale expose le fonctionnaire « à être poursuivi en justice pour non empêchement de crime, non-dénonciation de mauvais traitements, omission de porter secours ou non-assistance à personne en péril, selon les cas » et « à faire l’objet de poursuites disciplinaires ».
Et le texte ajoute, pour que nul n’ignore le changement d’attitude prescrit : « concrètement, chacun doit comprendre que les mutations destinées à étouffer les affaires ou à faire taire les familles constituent des délits sévèrement réprimés par la loi ».
En juillet 1998, un rapport de l’Inspection générale de l’Education nationale souligne que les « mutations volontaires ou fortement conseillées » qui avaient pu dans le passé régler des rumeurs ou accusations plus ou moins formelles de pédophilie à l’Ecole n’ont plus droit de cité et que les différents échelons de la hiérarchie de l’Education nationale ont désormais rompu avec la « culture de l’étouffement ».
La ‘’circulaire Royal’’, en son chapitre IV, recommande « une nécessaire » concertation entre l’Education nationale et la Justice en soulignant que « l’interlocuteur naturel » des autorités académiques est le Procureur de la République dont « la qualité des informations permettra d’adopter les mesures conservatoires les plus appropriées ». Il appert que le dossier de l’administration sera désormais essentiellement constitué des informations qui lui seront données par le Procureur de la République.
La ‘’circulaire Royal’’ est intervenue dans contexte historique où la question de la pédophilie avait pris de l’ampleur. D’abord en raison de l’affaire Dutroux, en Belgique, qui a agi comme un révélateur et un détonateur : des adolescentes ont été séquestrées, violées et assassinées ; et des dysfonctionnements policiers ou judiciaires soulèvent le soupçon de négligences voire de tentatives d’étouffement.
De l’été 1996 à l’été 1997, l’émotion et l’inquiétude se déplacent de Belgique en France. Plusieurs faits divers y contribuent : l’incarcération d’un ancien instituteur de la Nièvre, Jacky Kaisermertz ; le procès des 72 prévenus du réseau Toro Bravo devant le tribunal correctionnel de Paris ; l’opération « Ado 71 », qui débouche sur la mise en examen de 323 personnes et le suicide de cinq ‘’suspects’’.
Au printemps et à l’été 1997, la pédophilie provoque un emballement médiatique sans précédent en matière de mœurs. Entre le 23 et le 27 juin, « France-Soir » consacre onze pages à ces diverses affaires. « Libération » évoque séparément trois cas pour le seul jour du 28 juin 1997. Fin juin, « L’Express » publie une enquête de neuf pages sur un « gourou pédophile », théoricien de « l’oedipe non refoulé ». Durant le premier semestre 1997, « Le Monde » ne publie pas moins de 52 articles sur le thème, alors même que, dix ans plus tôt, il n’en avait publié que 3 pour l’année entière ; et encore ne traitait-il ces sujets, jusqu’aux années 90, que sous forme de ‘’brèves’’ de quelques lignes.
Dans ce contexte, on comprend pourquoi le projet de texte de la future ‘’circulaire Royal'' remis le 11 juillet 1997 aux recteurs, aux inspecteurs d’académie et aux syndicats pour concertation. souligne que la parole de l’enfant « trop longtemps étouffée » soit « enfin entendue », tout en mettant en bonne place quelques statistiques : « l’agresseur sexuel est près de neuf fois sur dix le père, le grand-père ou le beau-père de l’enfant ; mais il est dans 10% des cas un enseignant, un éducateur ou une personne ayant autorité sur le mineur ».
PS: la ''circulaire Royal'' a été faite à l'initiative et sous l'autorité de Ségolène Royal qui a été ministre déléguée à l'enseignement scolaire du 4 juin 1997 au 27 mars 2000