Ou les deux ensemble ? La lecture du rapport de l'Inspection générale qui vient d'être publié invite à l'interrogation, aussi bien en raison de certains de ses diagnostics qu'en raison de certaines de ses propositions.
Si l'on remonte dans le passé (déjà assez lointain), la situation scolaire des filles était à l'évidence - dans tous les secteurs et sous tous les aspects - inférieure à celle des garçons (cf, par exemple, le livre que j'ai écrit en collaboration avec mon épouse, alors déléguée régionale aux droits des femmes en Picardie : « Histoire de la scolarisation des filles », publié en 1991 chez Nathan). Et l'on s'est habitué à traiter des inégalités scolaires selon le sexe (ou le ''genre'') à l'aune de ce qui arrivait aux filles. Le temps est sans doute venu de reconsidérer cette position unilatérale, sans pour autant masquer ou minimiser les problèmes qu'elles rencontrent encore dans tel ou tel secteur ou sous tel ou tel aspect.
Il est bien sûr impossible de reprendre ici à nouveaux frais les différents aspects traités par ce rapport de l'Inspection générale (« L'égalité scolaire entre filles et garçons dans les écoles et établissements ») de plus de cent pages (et c'est dommage parce que ce rapport est vraiment intéressant, et que la matière même de ce qu'il traite est foncièrement complexe). On devra donc se contenter de quelques traits significatifs et saillants (et quelque peu caricaturaux, alors que tout devrait être en nuance...). En n'oubliant pas que toute différence n'est pas nécessairement une inégalité, et que toute inégalité n'est pas nécessairement une injustice (même si, pour chaque cas, la question peut – et doit sans doute – être posée).
Les filles sont moins souvent en retard scolaire que les garçons (quel que soit le milieu social d'origine). En France, 26% des garçons (plus d'un garçon sur quatre!) et 14% des filles ( moins d'une fille sur sept) n'atteignaient pas, en 2009, le niveau de compétence 2 en lecture, considéré comme un minimum à atteindre pour réussir son parcours scolaire.
Si l'on se réfère à l'obtention du baccalauréat (l'examen emblématique de la fin de l'enseignement secondaire), on peut constater que les filles ont eu à la session 2011 un taux de succès supérieur de plusieurs points à celui des garçons (quel que soit le baccalauréat), qu'elles ont obtenu davantage que les garçons un baccalauréat ( 76,6% de leur classe d'âge contre 66,8% de la classe d'âge des garçons) et qui plus est nettement plus souvent que les garçons un baccalauréat général ( 42,2% de la classe d'âge pour les filles, et 30,7% de la classe d'âge pour les garçons), le seul très léger bémol étant leur place en S où elles ne représentent que 46,3% des lauréats.
On peut se demander où se situent désormais les « inégalités scolaires » au détriment des filles. Sans doute essentiellement dans le fait qu'elles ont tendance à ''rentabiliser'' moins bien que les garçons leur supériorité en matière de succès scolaires et de diplômes dans leur processus d'orientation scolaire et professionnel.
Le rapport de l'inspection générale souligne que « en matière d'orientation diversifiée, les progrès sont restés modestes. Le pourcentage des filles en série S , qui était de 42% en 2005 est de 46,3% en 2011 ; entre 1995 et 2011, le pourcentage de filles dans les baccalauréats professionnels du secteur de production est passé de 10% à 11,4% » (p.42).
En 2011, les filles constituent 58,7% de la population universitaire. Dans les classes préparatoires aux grandes écoles, les filles représentent 74,2% des élèves des classes littéraires et 29,5% des élèves des classes scientifiques. Seulement 27,8% des diplômes d'ingénieurs ont été dispensés à des femmes.
Sous l'intitulé : « Les politiques d'orientation : des progrès lents ; peu d'actions vers les garçons », le rapport indique que « la focalisation initialement portée sur l'orientation et principalement sur celle des filles a durablement marqué les politiques d'égalité entre filles et garçons [..]. L'effort le plus précoce, le plus visible a porté sur la diversification des choix d'orientation. Cet effort a rencontré ses limites en intervenant assez tard dans le processus d'orientation, en fin de collège, au moment où les représentations stéréotypées sur les métiers et les formations qui y conduisent sont déjà construites. Enfin il a ciblé prioritairement sur les filles, envoyant un message ambigu. Est-il plus dérangeant que les filles n'aillent pas assez en séries scientifiques, ou que les garçons évitent les séries littéraires ? Que les filles désertent les séries industrielles, ou les garçons les services ? Qu'il n'y ait pas assez d'ingénieures ou de puériculteurs ?» (pages 42 et 43).
Est-on à la veille d'un basculement de la problématique sur les inégalités scolaires entre les filles et les garçons ? A voir, et à suivre.