Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères, et Mgr Mamberti, secrétaire pour les relations du Saint-Siège avec les Etats, ont signé ce jeudi 18 décembre un accord de reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur.
A l’approche des fêtes de fin d’année, on croyait en avoir fini d’avoir à réagir aux multiples et incessantes annonces concernant l’Ecole et l’Université. On avait tort. Et celle-ci nous vient d’un endroit a priori inattendu, le ministère des Affaires étrangères lui-même qui – selon un ‘’communiqué technique’’ publié par le Quai d’Orsay – déclare que " cet accord a pour objet de reconnaître la valeur des grades et des diplômes canoniques ( théologie, philosophie, droit canonique ) ou profanes [ toutes les autres disciplines ] délivrés par les établissements d’enseignement supérieur catholiques reconnus par le Saint-Siège et de faciliter les différents cursus universitaires ".
On peine à croire que cela n’a pas reçu l’aval du chef de l’Etat, puisque autrement cela signifierait ipso facto que le ministre des Affaires Etrangères aurait pour compétence de gérer aussi l’enseignement supérieur et en particulier la nature des diplômes délivrés ( ce qu’on appelle ‘’la collation des grades’’ qui, depuis Jules Ferry qui a dû rudement batailler pour cela, est sous le contrôle de l’Etat ; un acquis que la République française n’a jamais remis en cause jusqu’ici ).
Cela pourrait être en effet une concrétisation du voyage, il y a tout juste un an, de Nicolas Sarkozy au Vatican ( où il avait été reconnu comme chanoine, comme le veut la tradition ) . Le président de la République avait alors mis l’accent sur les " racines chrétiennes de l’Europe " et appelé à une " laïcité positive " contre une " laïcité épuisée " menacée par le " fanatisme ". Le cardinal Jean-Louis Tauran, lors de la venue du pape à Paris en septembre de cette année s’était plu à souligner que " ce discours avait introduit une nouvelle orientation dans les rapports entre l’Eglise et l’Etat : le président de la République a dit des choses que ses prédécesseurs n’avaient jamais dites […]. Mais, pour le moment, nous en sommes encore aux promesses ; et c’est bien là le problème ".
Les " promesses " sont-elles en passe d’être tenues ? Toujours est-il que la fédération UNSA Education pose trois questions au gouvernement : " 1) Le ministre des Affaires étrangères aurait-il compétence pour gérer l’enseignement supérieur ? 2) Un Etat étranger peut-il désigner des établissements français en capacité de délivrer des diplômes français ? 3) N’est-ce pas aussi une atteinte fondamentale à la laïcité de la République et de l’Université, seule habilitée jusqu’à présent à pouvoir délivrer les diplômes nationaux que sont les grades universitaires après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche ? ", et la fédération UNSA Education " dénonce ce passage en force qui remet en cause les principes fondamentaux de la Constitution et de l’Université ".
PS: Quelques heures après avoir rédigé ce billet, je lis en deuxième page du " Monde" daté du 20 décembre une "Analyse" de Stéphanie Le Bars intitulée "Les limites de la ''laïcité positive''. Décidément la question est plus à l'ordre du jour qu'on ne pourrait le croire.
On remarquera aussi que la Troisième République et Jules Ferry invoqués ( de façon erronée d’ailleurs ) par Xavier Darcos ou Nicolas Sarkozy lorsqu’il s’agit de tenter de légitimer les ‘’nouveaux programmes’’ du primaire ou de magnifier le ‘’statut des boursiers’’, sont une référence totalement absente...ici...
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