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Billet de blog 20 juin 2014

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Le sexe dangereux

Benoît Hamon va recevoir «officiellement» le rapport de l'Inspection générale sur les «expérimentations» du programme ABCD (visant à promouvoir une « culture de l'égalité et du respect entre les filles et les garçons » et à « déconstruire les stéréotypes de genre ») pour faire le point et envisager l'avenir.

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Benoît Hamon va recevoir «officiellement» le rapport de l'Inspection générale sur les «expérimentations» du programme ABCD (visant à promouvoir une « culture de l'égalité et du respect entre les filles et les garçons » et à « déconstruire les stéréotypes de genre ») pour faire le point et envisager l'avenir.

 L'Education nationale navigue entre les ''dangers d'une éducation sexuelle'' à l'Ecole ( difficultés pour les enseignants d'assumer ce rôle, interrogations sur la légitimité de l'Ecole en la matière, difficultés de savoir jusqu'où aller, risques de ''vagues'') et le sentiment que l'Ecole doit contribuer à faire face aux ''dangers du sexe'' (maladies sexuellement transmissibles, Sida, grossesses non désirées, sexisme, homophobie qui peuvent avoir des conséquences dramatiques pour certains jeunes).

Et le rapport de l'Inspection générale sur ''l'expérimentation'' du programme ''ABCD'' en cours ne paraît pas devoir échapper à cette valse hésitation récurrente (même si ce programme ne se réduit pas – loin s'en faut – à l'éducation sexuelle).

 Un silence de plomb a longtemps prévalu, à l’Ecole comme dans la quasi totalité des familles. Mais à la suite de l’effervescence de mai 68 et des années qui ont suivi ( et en raison notamment de la propagation dans les lycées du tract d’un « Comité d’action pour la libération de la sexualité » animé par le docteur Carpentier, « Apprenons à faire l’amour » ), il n’est alors plus apparu tenable qu’aucune information ou éducation sexuelle ne soit donnée à l’Ecole.

Cependant les mises en garde ou les réticences sont alors très vives. Par exemple, la Fédération de Paris des APEL ( associations de parents d’élèves de l’enseignement catholique ) dénonce dans un communiqué « le processus inéluctable qui transforme le projet de l’Education nationale en une vaste entreprise dite de libération sexuelle, en fait d’initiation à la débauche ».

L’Union nationale des associations de parents d’élèves autonomes admet que l’Education nationale ne peut éluder la question de l’information sexuelle « alors que les produits contraceptifs se généralisent, que l’érotisme s’étale dans toutes les rues et sur tous les écrans, et que certains ne peuvent répondre à la demande éducative de leurs enfants, par ignorance, incapacité, pudeur, ou encore par lâcheté ». Mais les parents d’élèves ‘’autonomes’’ tiennent à distinguer « l’information sexuelle » qui peut être donnée par l’Ecole à condition qu’elle ne fasse pas intervenir de jugement moral, et « l’éducation sexuelle » qui est liée à des options philosophiques et religieuses et ne peut donc avoir un caractère unique.

En définitive, le ministère de l’Education nationale dirigé alors par le démocrate-chrétien Joseph Fontanet opère un clivage fondamental entre « l’information sexuelle » ( scientifique, intégrée aux programmes, pour tous les élèves ) et « l’éducation sexuelle » ( facultative, en dehors de l’emploi du temps obligatoire, avec ou sans autorisation des parents selon qu’il s’agit du premier ou du second cycle de l’enseignement secondaire ).

Changement radical de principe au début du XXI° siècle. Les dispositions de l’article 22 de la nouvelle loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception complètent le Code de l’éducation par un nouvel article (et il est remarquable que ce soit à l'occasion de cette loi)  : «  une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles ».

La circulaire d’application préparée sous le gouvernement Jospin paraît le 17 février 2003 sous le gouvernement Raffarin, sans modification sensible (ce qui est non moins significatif de ce tournant majeur). La circulaire insiste sur le fait que la loi ( du 4 juillet 2001 ) a désormais « confié à l’Ecole une mission éducative dans le champ bien spécifique de l’éducation à la sexualité ».

« Cette démarche est d’autant plus importante qu’elle est à la fois constitutive d’une politique nationale de prévention et de réduction des risques ( grossesses précoces non désirées, infections sexuellement transmissibles, VIH/sida ) et légitimée par la protection des jeunes vis-à-vis des violences ou de l’exploitation sexuelles, de la pornographie ou encore par la lutte contre les préjugés sexistes […]. Ces pratiques éducatives impliquent une nécessaire cohérence entre les adultes participant au respect des lois et des règles de vie en commun qui s’exercent aussi bien dans le cadre de la mixité, que de la lutte contre les violences sexistes et homophobes contraires aux droits de l’homme […]. Dans les enseignements, à tous les niveaux, les programmes des différents champs disciplinaires ( tels que la littérature, l’éducation civique, les arts plastiques, la philosophie, l’histoire, l’éducation civique juridique et sociale…) offrent, dans leur mise en œuvre, l’opportunité d’exploiter des textes ou des supports en relation avec l’éducation à la sexualité selon les objectifs précédemment définis ». 

On connaît la suite, les ''valses hésitations'' dans les applications effectives et les rebondissements actuels...

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