Selon le « Collectif contre l’islamophobie », plusieurs élèves du lycée Auguste Blanqui à Saint-Ouen auraient fait l’objet d’un rappel à l’ordre « parce qu’ elles portent une robe longue unie ».
Dans l’excellent site « ToutEduc », Pascal Bouchard ( qui a attiré l’attention sur cette affaire mise sur la place publique par le « Collectif contre l’islamophobie » ) précise qu’il a pu constater que la direction de l’établissement était injoignable. « L’affaire est en cours selon une source proche de la direction, qui refuse toutefois d’en confirmer la réalité, ou de donner le nombre d’élèves concernés » ajoute-t-il.
Selon le « Collectif », « les jeunes filles ont fait l’objet d’un rappel à l’ordre car leur tenue « ne peut être considérée que comme un vêtement ostentatoire, un signe religieux manifeste » d’après leurs « juges », qui leur ont demandé de porter des jeans et des T-shirts « comme tout le monde » sous peine d’être renvoyées de l’établissement, conformément au règlement intérieur et ce, afin de respecter le principe de laïcité ». Le « Collectif contre l’islamophobie en France » précise que l’ensemble de ces jeunes filles portent le voile en dehors de l’enceinte de l’établissement.
Décidément, les temps changent ( mais se ressemblent sur l'attention portée à certains attributs vestimentaires des jeunes filles ): certaines femmes se souviennent encore d'avoir dû porter dans les années 50 ou même au début des années 60 une jupe plissée au-dessus de leur pantalon au lycée pour qu'il soit ''toléré''.
Et si l’on retournait à l’Ecole républicaine et laïque de la troisième République, pour voir ? Dans les écoles normales primaires, l’uniforme est alors de rigueur. Pour les normaliens, c’est la redingote de drap noir à palme d’or qui les transforme en « hussards noirs de la République », selon le mot de Péguy.
La tenue des normaliennes , elle, est calquée sur l’habit religieux : « une robe noire en cachemire ou croisé de laine unie ; un manteau de drap noir » selon le règlement. Il en est de fait de même pour les professeurs femmes, comme l’a souligné l’historienne Françoise Mayeur dans son maître ouvrage « L’enseignement secondaire des jeunes fille sous la troisième République » : «Lors de ses débuts à Roanne, Berthe Wahl apprend qu’elle compromet la dignité de ses fonctions parce qu’elle relève ses cheveux à la Catogan au lieu de les nouer en chignon. Le chignon est la règle, tout comme le collet monté et la robe stricte de couleur sombre. Beaucoup optaient pour le noir. On pourrait en conclure que, formées à la manière des religieuses, les professeurs femmes devaient garder l’apparence de religieuses dans le siècle ».
Il est vrai que, en matière d’éducation, le modèle ( ‘’rival’’ ? ) était de fait les congrégations religieuses, comme on peut le saisir explicitement dans plusieurs discours majeurs de Jules Ferry lui-même qui multiplie les allusions à une « certaine robe » ( celle des congréganistes ).
« Est-ce que l’on pourra dire éternellement que, pour être éducateur, il faut porter une certaine robe, et qu’il n’existe pas d’éducateurs laïques ? » ( discours de Ferry au Congrès pédagogique des directeurs d’écoles normales et des inspecteurs primaires du 2 avril 1880).
« Vous allez devenir des éducateurs ; vous prouverez que ce rôle touchant n’est le privilège d’aucune robe, ni d’aucune règle, et que si la société moderne a sécularisé l’éducation, elle entend maintenir dans une Université d’Etat, formée à sa propre image, le dépôt sacré d’un enseignement national » ( Discours de Ferry aux maîtres des classes élémentaires des lycées et collèges du 4 août 1880 )
Décidément, les appréhensions successives de la « robe » dans l’Ecole républicaine et laïque sont…décoiffantes.