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Billet de blog 22 novembre 2010

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La règle de trois: un problème?

Maryline Baumard a pu consacrer une page entière du «Monde» à ce sujet, objet d'une angoisse récurrente de la part d'un nombre non négligeable de Français, «même les plus haut placés».

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Maryline Baumard a pu consacrer une page entière du «Monde» à ce sujet, objet d'une angoisse récurrente de la part d'un nombre non négligeable de Français, «même les plus haut placés».

Il faut dire qu'en ces temps de doute sur les résultats de notre école obligatoire (et dans l'attente de ceux qui vont tomber début décembre dans le cadre des comparaisons internationales ‘'PISA'', et qui vont sans doute faire quelque bruit) , même les résultats en mathématiques risquent de nous préoccuper (alors que traditionnellement nous sommes presque exclusivement focalisés sur ceux qui prétendent mesurer la maîtrise de notre langue française).

Par ailleurs, en un moment où la proposition d'un retour de l'examen d'entrée en sixième ou bien l'évocation du certificat d'études peuvent enflammer les imaginations, la ‘'bonne vieille règle de trois'' fleure bon - elle aussi - ces temps anciens où tout ‘'était en place'' ( dans notre mémoire d'un passé scolaire plus ou moins mythique ).

Sous la Troisième République ( et même pour l'essentiel sous la Quatrième ) , la question de la proportionnalité restait le plus souvent implicite ( elle ne relevait pas, à proprement parler , du domaine de la pensée et de la démonstration mathématiques dans les enseignements de l'école communale ) : l'élève doit reconnaître, à partir d'une série d'exemples, d'une façon quasi ‘'mécanique'', quel type de ‘'règle de trois'' ( directe, inverse..) il se doit d'appliquer. On ne demande pas vraiment à l'élève de savoir raisonner, même s'il doit utiliser des ‘'raisonnements'' pour résoudre un problème. Chaque ‘'règle de trois'' a son raisonnement propre ( un seul type de raisonnement à de rares exceptions près ) donné par des ‘'problèmes types'' résolus. Un problème fait-il intervenir deux ‘'règles de trois ‘'successives ? On est alors en présence d'une ‘'règle de trois composée'' dont un problème type donne la méthode de raisonnement. La ‘'règle de trois'' est alors le moyen privilégié de résoudre des problèmes particuliers proche de l'économie domestique ( le ‘'tant pour cent'', la ‘'règle d'intérêt'', l'épargne, les revenus, etc...).

La ‘'règle de trois'' ainsi enseignée et maîtrisée relevait-elle ( à proprement parler ) du ‘'savoir'', ou bien du ‘'savoir-faire'' ( voire d'un certain ‘'savoir-être'' ) ? La question mérite sans doute d'être posée, car elle peut avoir quelque enjeu dans un contexte où le ‘'prospectif'' se conjugue parfois allégrement avec le ‘'rétrospectif'' sans trop y penser.

La maîtrise de la règle de trois'' et/ou de la proportionnalité ont fait en effet l'objet d'approches différentes successives, mais sans succès probants. Comme le rappelle Maryline Baumard, " dans les années 1970 - apogée des maths modernes - on s'est attardé plus sur la théorie que sur la pratique " et, en 2002, on a demandé aux maîtres d'amener les élèves à " utiliser des raisonnements personnels pour s'approprier le sens et la notion de proportionnalité ". Les nouveaux programmes édictés sous Xavier Darcos et entrés en vigueur en 2008 prétendent offrir des techniques opératoires tout en insistant sur une compréhension du concept. Mais selon Marie Mégard - inspectrice générale - citée dans l'article du " Monde ", " les dernières évaluations nationales de CM2 semblent montrer que les élèves butent encore ". En définitive, en fin de troisième, à peine plus de la moitié des élèves sont capables " d'utiliser la proportionnalité comme un outil afin de résoudre un problème ".

A vrai dire, nous avons là ( et de longue date ) un " pont aux ânes " de taille dont la non-maîtrise est source d'angoisse voire de souffrance ( le plus souvent cachées ) pour beaucoup ; et cela d'autant plus, comme le dit à juste titre l'inspectrice générale Marie Mégard que " la proportionnalité est une notion indispensable dans la vie quotidienne et pour l'exercice même de la citoyenneté ". Ce devrait l'un des ‘'nœuds'' à résoudre ( et sans doute sur lesquels se focaliser ) si l'on voulait vraiment progresser, en faisant des choix raisonnés et réellement prioritaires dans le cadre de l'Ecole obligatoire. Mais le veut-on?

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